Scandale ! Le polygame donnait même des interviews

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 324 commentaires

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Si dure que soit cette mission, il faut le révéler à Brice Hortefeux :

la situation du polygame était connue depuis longtemps, dans sa cité, et bien au-delà. Trois femmes. Chaque jour il déjeunait chez l'une, prenait le thé chez la deuxième, et dinait chez la dernière. Le manège a duré pendant des décennies. Les femmes ont-elles souffert de cette situation ? "Oui", a reconnu le polygame, qui a poussé le cynisme jusqu'à aborder ouvertement la question dans un livre. Libération, journal pour qui rien n'est sacré, a consacré à la situation un article scandaleusement complaisant. Et jusqu'au Figaro, au cher Figaro, qui, ces derniers mois encore, ne se montrait pas outre-mesure choqué. Qu'attend donc Hortefeux pour demander à Besson de déchoir de sa nationalité française ce louche octogénaire, nommé Paul Bocuse ?

Dans l'attente de cet épilogue attendu, c'est à Nantes que lémédias, expédiés en charter par Hortefeux, se sont appliqués tout le week-end à passer un polygame à la casserole, et à contempler Lies Hebbadj  "s'épuiser dans l'improvisation" (Mathieu Deslandes, du JDD). Il est d'abord resté "terré" chez lui, allant de l'une à l'autre des maisons de son"gynécée" (Le Figaro, oui, le même journal qui interrogeait Bocuse), trois maisons entourées "de hautes palissades" (JDD).  Au volant de son monospace, "une Mercédès vito noire" (véhicule doublement louche donc, puisque de luxe et de couleur noire), l'envoyé spécial du JDD l'a vu "faire des rondes, proférant des menaces aux journalistes et aux voisins par sa vitre entrouverte". Quand il décide enfin de s'exprimer, le "barbu potelé" est encadré par "deux paquets de muscles". Deux "malabars" précisaient Le Parisien, et France Inter lundi matin. Mais ces intolérables tentatives d'intimidation n'ont pas dissuadé les hardis investigateurs. Enquêtant  malgré les "malabars" auprès de l'entourage du "potelé", le JDD a appris que Lies  Hebbadj souhaiterait édifier "une cinquantaine de mosquées à Nantes", objectif "qui fait sourire, même les plus pieux" (que le JDD a évidemment rencontrés).

Pas d'affolement. Il est probable que Lies Hebbadj, commerçant apparemment aisé, a sans doute les moyens de s'offrir un bon avocat, et saura mener la contre-attaque judiciaire et médiatique,  (peut-être même, allez savoir, contre un ministre qui s'est employé à répandre des rumeurs sur sa vie privée, ce qui rappelle étrangement une autre affaire récente de divulgation de données bizarroïdes). En attendant, que retenir de la subite bouffée de fantasmes, exhalée par le bouquet de portraits du week-end ? Ceci : parfois, en meute, les journalistes deviennent fous. Qu'on leur interdise de poursuivre, jusque dans une propriété privée, un citoyen qui vient d'être publiquement désigné au lynchage par un ministre, et c'est une présomption de culpabilité. Que ledit citoyen ne circule pas dans une vieille bagnole déglinguée, et il aggrave son cas (d'ailleurs, circulerait-il dans une vieille bagnole déglinguée, son cas ne s'améliorerait pas). Qu'il attende de parler à son avocat avant de leur répondre à eux : cette fois, son compte est bon.

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