Sauf que le peuple est à la porte...

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 109 commentaires

Finement joué. D'abord, ces six heures de Grand Bourgtheroulde, retransmises sans une coupure par BFM (et zut à la régie pub !) sont une excellente opération pour les maires. Les maires de Normandie, mais pas seulement. Tous les maires de France. Aux prises avec les vrais problèmes des vrais gens. A commencer, tiens, par cette question qu'en bon urbain, j'avoue, je découvre : la revendication de pouvoir établir en mairie carte d'identité, passeport, ou carte grise, sans avoir à faire quelques heures de voiture pour se rendre à la sous-préfecture. Ensuite, bonne opération de communication pour Macron. Endurant, respectueux, connaissant les dossiers : c'est le retour du Manu de la campagne. Fine idée, d'avoir commencé par les maires la tentative de reconquête, plutôt que par le peuple des rond-points. Tous les Barbier de toutes les chaînes peuvent savourer, et ne s'en privent pas, ce nectar de démocratie représentative.

Sauf que. Sauf que le peuple est à la porte. Sauf que le peuple des rond-points n'aura entendu qu'enfumage, que simulâcre de monarque faisant mine de prendre des notes. Sauf qu'entre la campagne de 2017 et aujourd'hui, il y a eu dix-huit mois de gouvernement des riches et d'humiliation des pauvres, trahissant la quintessence de la pensée présidentielle : les riches ruissellent, les pauvres déconnent. Sauf que déjà, dès cette première réunion, il laisse maladroitement entrevoir les conséquences qu'il serait prêt à en tirer. Rétablir l'ISF, pourquoi pas si vraiment le rapport de forces l'impose ... Mais pour le RIC, jamais. Il faudra lui passer sur le corps. Et de donner l'exemple du référendum Brexit en Grande-Bretagne, assez dissuasif il est vrai. Pourtant, née des réseaux sociaux, pur produit des Facebook live, la revendication RIC est ancrée. Et chaque jour l'ancre davantage. 


Logiquement, mon rendez-vous préféré, le 20 Heures de France 2 s'ouvre sur la prestation présidentielle. Et tout aussi logiquement, selon des critères professionnels élémentaires, il enchaîne sur le peuple du dehors, les Gilets jaunes maintenus par le dispositif policier à distance du gymnase de la rédemption. Ce deuxième sujet suffit pour lui attirer les foudres d'un illustre ancien de la maison, Charles Enderlin, indéracinable menhir de Jerusalem. Pour mon ami Enderlin (si si, et je m'honore de cette amitié qui remonte à loin, ô jeunesse !), son ancienne maison verse là dans l'anti-macronisme primaire. C'est dire la relativité de la réception d'un message télévisé. J'espère pour Charles qu'il n'a pas regardé la suite du journal : une longue enquête sur, devinez quoi, les dégâts des violences policières. Avec une vraie interview de David Dufresne à l'intérieur. Neuf semaines et demie, 90 blessés graves, au moins 13 yeux arrachés plus tard : mais qu'est-ce qui a bien pu réveiller la télé d'Etat ?



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