Sarkozy : le politique et le condamné

Daniel Schneidermann - - Investigations - Le matinaute - 88 commentaires

De la condamnation pour corruption à un an de prison ferme de l'ex-président Nicolas Sarkozy dans l'affaire des écoutes, dite "affaire Bismuth", c'est d'abord la "première dans l'histoire de la 5e République", le "séisme à droite", que retient le 20 Heures de France 2. Se succèdent les Républicains Jacob ("invraisemblable et disproportionné"), Estrosi ("il n'est jamais bon que les magistrats fassent de la politique") et le ministre Darmanin ("respect et affection pour Nicolas Sarkozy")

L'éditorialiste Nathalie Saint-Cricq explique que ce soir, politiquement, "on peut sérieusement penser que c'est fini" pour lui. N'empêche : fini ou pas, l'événement est d'abord traité comme un événement politique. Les faits qui ont valu cette condamnation ne sont rappelés que d'un mot. Le nom de Bismuth n'est pas prononcé. Le contenu des écoutes n'est pas évoqué (j'apprends d'ailleurs ce matin que ces écoutes n'ont pas été diffusées devant le tribunal, "pour des raisons techniques"). Et même l'inflexibilité (réelle) contre Sarkozy de tout l'appareil judiciaire ne fait pas l'objet d'une analyse. 

Entre l'ex-président et le condamné, la télé publique, en un mot, choisit encore et toujours l'ex-président, et continue par réflexe de lui présenter son salut, comme les policiers du palais de Justice de Paris y ont été incités, au cours du procès, par le préfet Lallement. Condamné, il reste encore et toujours un fabuleux spécimen du bestiaire politique.

Dans leurs motivations, les juges ont évoqué la "confiance" dans les institutions, mise à mal par le trio Sarkozy-Herzog-Azibert. Mais cette confiance est aussi mise à mal tous les jours, par des déclarations anodines. S'exprimant sur le Covid, la maire de Paris (et candidate quasi-déclarée à la présidentielle) Anne Hidalgo assurait hier qu'elle "n'avait pas proposé" un confinement strict de trois semaines à Paris. Pourtant, cette demande a bel et bien été formulée quelques jours plus tôt par son premier adjoint Emmanuel Grégoire, comme on pouvait le vérifier en quelques clics ("Je vous le dis franchement, ce couvre-feu ne suffit pas. L'une des options que nous souhaitons mettre sur la table est un confinement tout court, de façon à avoir la perspective dans trois semaines de tout réouvrir"). Pourquoi mentir devant tout le monde, alors que le mensonge est si facilement décelable ?


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