Rythmes scolaires : et si c'était une question de classe ?

Daniel Schneidermann - - Pédagogie & éducation - Le matinaute - 126 commentaires

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Alerte générale : les enfants sont "déboussolés" par la réforme des rythmes scolaires.

La complainte envahit les radios du matin. Sur RTL, une maman du Morbihan s'en ouvre à "'Laurent" (Bazin) : sa fille, en maternelle, est réveillée de sa sieste à 15 heures, pour passer aux "activités". Perdus, fatigués, déboussolés : l'affaire vaut bien une réunion de crise à l'Elysée, qui devrait être organisée dans la journée, chassant de l'agenda les Roms, et la fermeture des Monoprix à 21 heures.

Le site du Mondeen a appelé aux témoignages des internautes. La grande majorité, explique le journal, sont défavorables. Et défile la litanie des "fatigués" et des "déboussolés". Mais surprise : dans le même journal, une enquête plus fine de la spécialiste éducation, Maryline Baumard, distingue les cas (imaginaires, mais "réels, assure l'auteur) de Louis et Marie, d'une part, de celui de Kevin, d'autre part. En gros, les parents des premiers, qui étaient déjà largement pourvus en activité du mercredi, sont plutôt mécontents de la réforme, qui a substitué à ces activités de nouveaux ateliers (boxe, code de la route) non choisis par les parents. En revanche, la mère de Kevin, femme de ménage, est très contente que son fils aille à l'école le mercredi. "Mais elle ne le dit pas, écrit Baumard. D'ailleurs, à qui le dirait-elle ?"

Lecture faite, on retourne éplucher les témoignages des internautes du Monde, en s'attardant cette fois sur la profession des parents mécontents. Tiens tiens : professeur de lettres, urbaniste, enseignante, professeur de français, ingénieur (il est vrai que les "satisfaits" sont aussi chercheur, ou cadre). Alors ? Alors, faute d'une enquête exhaustive, il est permis de se demander pourquoi les témoignages des mécontents, dans les médias, "remontent" plus facilement que ceux des satisfaits. Première hypothèse, optimiste (pour les médias) : parce qu'il y a davantage de mécontents que de satisfaits. Dans cette hypothèse-là, les médias reflètent simplement la réalité, et jouent pleinement leur rôle. Deuxième hypothèse : parce que les mécontents ont davantage de raisons de prendre la plume ou le téléphone, pour exprimer leur mécontentement à "Laurent". Ce biais est connu. On sait bien que le courrier des lecteurs (jadis) ou les forums et commentaires (aujourd'hui) ne reflètent pas l'opinion générale. Troisième hypothèse, accablante : parce que les parents de Louis et Marie, eux-même "déboussolés" de se voir dépossédés du choix des activités périscolaires, ont davantage de moyens de se faire entendre que la maman de Kevin. Davantage de copains journalistes, davantage de temps pour répondre aux questionnaires du Monde, davantage de mots pour le dire. Autrement dit, contre son électorat (aisé), le PS aurait fait par inadvertance une vraie réforme de gauche, favorable aux classes populaires. On comprend qu'il soit urgent de tout remettre à plat.

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