Retraites : le smoking gun

Une image vaut mille mots, dit-on. On peut le dire aussi d'un montage vidéo. Quand le jeune député socialiste des Pyrénées Atlantiques Iñaki Echaniz se lève pour poser sa question au ministre du travail Olivier Dussopt, sait-il que sans le secours d'un seul qualificatif, il va porter un coup fatal à la novlangue gouvernementale ? C'est ce qu'il fait, en lui posant exactement la même question, mot pour mot, que celui-ci avait posée en 2010 au ministre Éric Woerth à propos d'une précédente réforme des retraites à laquelle, dans l'opposition, il s'opposait alors. 

Le compte Twitter "Caisses de grève" le montre par un montage ciselé, impeccable, un montage comme on les inaugura ici jadis, avec coutures au milieu des phrases, voire entre les syllabes elles-même, pour faire ressortir la parfaite répétition, mot pour mot, des éléments de langage.

Il est plusieurs manières de démonter le discours gouvernemental sur la réforme des retraites. On peut tenter de le démonter de l'extérieur, par exemple sur le mensonge à propos du "montant minimum à 1200 euros". Cela requiert une longue démonstration chiffrée, et beaucoup de technicité. C'est ce à quoi s'attelle mon confrère Luc Peillon, de Libération (je n'ai pas tout compris, mais je vous promets d'insister jusqu'à compréhension parfaite). À l'oral, il est ensuite possible de se référer à cette enquête sans en répéter les détails, comme l'économiste Michael Zemmour au micro de France Inter, devant un Demorand et une Salamé qui ne l'ont manifestement pas lue.

Le tir au but de Iñaki Echaniz fait autre chose : il s'introduit au cœur du discours lui-même pour le faire imploser. Il pose sur la table que ce discours n'est pas seulement miné de mensonges. Ce discours EST lui-même insincérité et mensonge : il est donc logique de présupposer insincère chacune de ses composantes. On le ressentait depuis le début de l'affaire, mais sans avoir trouvé le smoking gun. C'est fait.