Raoult, Mila : nuance interdite
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 153 commentaires
Sur mon réseau social préféré, les deux têtes de gondole du matin s'appellent Raoult et Mila. Sur Didier Raoult, l'heure est à la décrue. Face à deux journalistes du Monde
et de L'Obs
venues présenter leur livre-enquête sur le plateau de France 5, Patrick Cohen se livre à une exécution en règle, non pas tant du druide marseillais lui-même, mais de toutes les institutions (universitaires, sanitaires, médiatiques, politiques) qui ont gardé le silence face à ses intimidations, silence coupable selon Cohen. Mais cette culpabilité est-elle aussi générale que le suggère l'édito anaphorique de Cohen ? Si la promo médiatique de Raoult, par exemple, a en effet le plus souvent relevé de l'appât de l'audience, ou du clic, n'était-il pas nécessaire, au début en tous cas de cette pandémie sur laquelle nous ne savions rien, ou presque, d'examiner calmement ses arguments, ce qui conduisait forcément à lui donner la parole ? Questions interdites aujourd'hui.
Didier Raoult : bientôt l’heure des comptes ?
— C à vous / 6 à la maison (@cavousf5) June 3, 2021
L’édito de #PatrickCohen dans #CàVous ⬇️ pic.twitter.com/7czQtCedMH
Quant à Mila, son interview à BFM sur le thème "la peur doit changer de camp"
est largement reprise, parfois par les mêmes qui reprennent l'édito de Patrick Cohen.
Mila: "Il faut que la peur change de camp" pic.twitter.com/2J0zvYO8U3
— BFMTV (@BFMTV) June 3, 2021
Le procès des cyber-harceleurs de la jeune femme, qui devait s'ouvrir hier, a été reporté à la fin du mois, du fait de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'un des défenseurs des prévenus, Juan Branco (qui est aussi avocat, ne l'oublions pas). Argument de Branco : son client n'est poursuivi que pour un seul message "graveleux" à Mila, ce message unique ne pouvant donc être qualifié de "harcèlement". A quoi l'accusation répond que la "conscience" de participer à une meute suffit à qualifier le harcèlement. Vraie question, qui mériterait un débat public. Mais Twitter ne s'intéresse pas à ces questions.
Mila, Raoult : nuance interdite sur Twitter. Twitter promeut mécaniquement des contenus accusateurs, catégoriques, qui justifient, et confortent toutes les indignations. Nuance interdite : c'est justement le thème de notre émission de la semaine, que je m'en vais tourner de ce pas, avec deux invités tout en nuances. (Oui, c'est un teasing).