Quand les présentateurs sont surzone

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 72 commentaires

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Que survienne une catastrophe inexplicable


 

, au croisement de deux mythologies nationales, Air France et Airbus, et aussitôt, faute de mieux, se déploient les superlatifs rassurants. "Un des moyens de transport les plus sûrs au monde", "une des compagnies les plus sûres", "le bureau Enquêtes accidents français qui est un des plus sûrs au monde", "un avion qui a bonne réputation", "un équipage expérimenté", etc. Le commandant Borloo et son équipage n'en ont pas manqué un seul, depuis lundi soir. Ne serait-ce que par curiosité, on serait contents d'apprendre quels sont les avions qui ont mauvaise réputation, et quelles compagnies font voler leurs avions avec des équipages inexpérimentés.

Comme toujours lorsqu'une telle catastrophe oblige à s'en remettre aux hommes de l'art, leur vocabulaire prend le pas mécaniquement sur le vocabulaire civil. C'est vrai des psychologues et des foudrologues, dont nous faisons connaissance, mais particulièrement des militaires. C'est une sorte de putsch verbal imperceptible. Ainsi le fameux "surzone", que tournent et retournent en bouche les présentateurs. "Des avions partis de Dakar sont surzone depuis hier, ils viennent d'arriver surzone", etc. On pourrait dire "sur les lieux", mais l'expression est préemptée par les policiers. "Sur place", plat, terne, manquerait de relief, de mystère et de suspense.

 

Dire "surzone", c'est se glisser dans la carlingue avec les sauveteurs, dans l'odeur de kérozène, et y glisser les auditeurs avec soi. C'est se tenir au courant minute par minute, par communication radio, avec Papa tango charlie. C'est être certain de ne pas être distancé dans la "course contre la montre" engagée pour retrouver les boîtes noires, avant qu'elles cessent d'émettre. Accessoirement, c'est aussi ne pas dire grand chose, compte tenu de l'étendue de la zone en question qui, tracée au compas, s'étend si l'on a bien compris du large du Brésil au large du Sénégal, et échappe aux écrans radar, et aux mots ordinaires.

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