Qatar : le "coup de tonnerre" était annoncé

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 64 commentaires

Aux yeux d'une rédaction de radio fonctionnant au ralenti un week-end de Pentecôte

, la bombe qatarie présente toutes les caractéristiques de l'information empoisonnante. Que l'Arabie Saoudite, Bahrein, les Emirats Arabes Unis et l'Egypte rompent brutalement leurs relations diplomatiques avec le Qatar, en l'accusant de terrorisme, avec rappel d'ambassadeurs, interruptions des liaisons aériennes, exclusion du Qatar de la coalition militaire au Yemen, voilà un "breaking news" que l'on ne peut ni ignorer, ni traiter sur la seule base des premières dépêches. On ne peut pas l'ignorer : même les plus incurables ignares sentent qu'il s'agit d'un fait géopolitique majeur, susceptible d'entrainer d'incalculables relations en cascade. Mais un traitement correct suppose une connaissance approfondie du dossier, et la présence dans les murs des spécialistes maison. Autant, donc, parler d'autre chose, des suites des attentats britanniques, par exemple, ou du concert de Manchester, en attendant mardi.

Sur le plan des medias, qui nous intéresse ici, deux choses semblent certaines. D'abord, le feu couvait depuis une semaine sur les chaines arabes d'info continue, avec intox, contre intox, et savants plateaux de spécialistes, comme le rappelle cet article très complet de Nabil Ennasri (invité de notre émission sur le sujet) sur l'excellent site Orient XXI. Il couvait, et nous n'en savions rien, ce qui confirme, une fois de plus, la myopie de nos grands medias nationaux. Le "coup de tonnerre" n'est donc nullement un coup de tonnerre. Autre information corollaire, que l'on peut déduire du même article : l'affaire est effroyablement compliquée, mais on pouvait le pressentir d'emblée.

Seconde confirmation, l'avantage des réseaux sociaux, en l'espèce, sur les medias traditionnels. C'est sur Twitter, où le sujet figurait à l'aube en "sujet tendance", que l'on peut reconstituer l'invraisemblable polar : on y apprend que le détonateur de la crise serait une déclaration de l'emir du Qatar, selon laquelle l'Iran devrait être considéré par les monarchies du Golfe comme un "partenaire stratégique". Déclaration prenant le contrepied de la stéréo anti-iranienne de Trump et des Saoudiens, lors du récent passage de Trump à Ryiad. Mais rebondissement : les Qataris assurent que le site de leur agence de presse a été piraté, et demandent l'aide du FBI (je n'invente pas).

Accessoirement, Twitter donne aussi un avant-goût du hold-up sur le sujet par les éditorialistes de comptoir, auquel on va assister dans les heures et les jours qui viennent, les chaînes françaises d'info continue faisant rituellement leur marché d'invités sur Twitter. Florian Philippot explique qu'il l'avait toujours dit. Pour Mohammed Sifaoui, c'est une "guerre fratricide chez les sponsors du terrorisme". Caroline Fourest estime que "ces divergences sont l'une des clés pour espérer voir refluer le terrorisme". Enfin, nombreuses conséquences collatérales à prévoir, entre autres, dans le domaine de l'économie du sport, de l'avenir du PSG à celui de la Coupe du monde de foot. Sans trop vouloir m'avancer, il est donc assez probable qu'on en reparle.

Rien à ajouter à la légende

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