Pouvoir : mais pourquoi tant de défiance ?

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 157 commentaires

Mais pourquoi tant de défiance vis à vis du gouvernement français ? se demande gravement ce lundi matin l'habituellement perspicace Frédéric Says, sur France Culture. Frédéric Says a lu avec effarement les résultats d'une enquête conjointe de tout ce que la Science Politique compte d'enquêteurs perspicaces (Opinion Way, CEVIPOF, Institut Montaigne, Terra Nova, etc). Et elle est sans appel. Les Français sont méfiants vis-à-vis de leur gouvernement.

Quelle étrangeté ! Le gouvernement français a certes été mauvais, mais pas davantage, somme toute, que Trump ou Johnson. Et Says de passer en revue toutes les raisons possibles de cette surprenante défiance : nous autres Français attendons trop de l'État, de cet État jacobin. Nous attendons un Bonaparte, un Clemenceau, un Sauveur Suprême. Sans parler de notre arrogance, de nous découvrir mendiants de masques sur les aéroports chinois. Bref, des sous-citoyens, des enfants capricieux, prêts à retenir notre respiration à l'appui de nos caprices (mon premier mois de loisirs culturels de confinement a été employé à une relecture méthodique d'Astérix. Je m'estime aujourd'hui en capacité d'attaquer Lucky Luke).

Peut-être Frédéric Says a-t-il manqué, hier soir, la surréelle prestation du Premier ministre Edouard Philippe, que même les chaînes d'info n'ont plus osé appeler "une conférence de presse". Un interminable monologue rehaussé par les tableaux de chiffres monocordes de Salomon, et le catalogue autosatisfait de Véran, avec la participation en figurante finale d'une journaliste unique de TF1 / LCI. Une telle débâcle que le Premier ministre lui-même l'a abrégée en catastrophe, au terme d'une réponse à la rame sur le maintien du premier tour des municipales. Qu'on ne m'objecte pas que c'est le confinement qui exige cet abaissement des médias. La France est la seule démocratie occidentale, la seule, dans laquelle même la presse mainstream est empêchée de faire son travail. Est-ce parce que le gouvernement porte encore le poids de son mensonge originel sur les stocks de masques ? Ce mensonge n'est-il pas une explication suffisante du refus de confiance ?

On dira que l'usine à gaz du déconfinement sans masques ni tests étant encore en pleine construction, le gouvernement ne veut pas s'exposer à des questions trop précises. C'est défendable. Mais alors pourquoi parler ? D'autant que les modalités de la rentrée scolaire ou la réouverture des cafés ne sont pas le seul sujet du moment. Chaque jour, en France, aujourd'hui, se prennent des décisions politiques essentielles, qui engagent l'avenir, comme ces vingt milliards accordés à des entreprises polluantes en difficulté -dont Air France- sans les assortir des obligations de décarbonement qui prépareraient le vrai monde d'après, décisions sur lesquelles les gouvernants sont donc exemptés de rendre des comptes. Le peuple français est moins idiot que ne l'imagine Frédéric Says.

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