Pourquoi Macron grenade et garde à vue : un décentrage

Daniel Schneidermann - - Silences & censures - Alternatives - Le matinaute - 66 commentaires


Donc, il s'appelle Maxime. C'est peut-être son vrai prénom. Ou peut-être pas. C'est en tout cas le prénom que lui attribue Robin. Robin a été grièvement blessé au pied, en août dernier, par une grenade explosive GLI-F4, sur le site de Bure. La grenade a creusé sur son pied gauche un cratère de 13 centimètres de diamètre, et jusqu'à 3 centimètres de profondeur. Pour mémoire, le site de Bure est un chantier d'enfouissement de déchets radioactifs à 500 mètres de profondeur. Des manifestations, l'été dernier, y ont fait 30 blessés, dont 4 graves., parmi lesquels, donc, Robin.

Robin a écrit un texte pour Maxime. Maxime est ce jeune zadiste de Notre-Dame-des-Landes dont une autre grenade GLI-F4 a emporté la main droite. Je vous en parlais hier. Et on vous raconte aussi comment la plupart des medias qui l'ont relaté se sont contentés de reprendre la version des autorités : Maxime avait empoigné la grenade pour la relancer. Les zadistes trouvent cette version invraisemblable. Je ne sais pas qui a raison. N'empêche que tout l'appareil médiatique n'a repris que la version des autorités.

Robin a écrit un texte pour Maxime. En voici un extrait : "Combien d'éborgnés ? Combien de mutilés ? Combien de vies déchirées par l'utilisation criminelle des flashballs et des grenades explosives ? La violence de l'État pour mater toute résistance est extrême. Elle cherche à nous terroriser, à nous acculer à la résignation. Face à cela, la solidarité est notre arme et jamais la peur ne doit nous arrêter".

Pourquoi, alors que des négociations se sont engagées entre certains porteurs de projets et la préfecture, pourquoi l'Etat poursuit-il dans la violence la destruction d'édifices à Notre-Dame-des-Landes ? Pourquoi en fait-il une priorité ? Et dans le même registre, pourquoi (dans un silence médiatique total) une centaine de personnes, dont beaucoup de lycéens, ont-elles passé deux nuits en garde-à-vue, à Paris, après avoir investi le lycée Arago, à la suite de la manifestation de fonctionnaires d'avant-hier ? (Les procès en comparution immédiate doivent commencer à l'heure où j'écris ces lignes).

Pour tenter de comprendre, il faut peut-être tout simplement se décentrer, et regarder la situation depuis l'autre bord. Dans le dernier sondage IPSOS / Le Point, Emmanuel Macron décroche de 28% chez...les électeurs de droite. On pense ce que l'on veut des sondages (notre dossier complet est ici), mais avec une chute de 28%, on est loin de la marge d'erreur. Difficile à croire de chez nous, de notre site de gauchisto-écolo-islamo-féministes, où nous sommes obnubilés par les gardes-à-vue et les grenades GLI-F4, mais voilà : l'électeur de droite, nous explique Le Point, qui connait bien le sujet, réagit aux examens annulés dans les facs. Il réagit à la grève SNCF "qui s'éternise". Il réagit aux "lenteurs" de l'évacuation de Notre-Dame-des-Landes. Bref, il regarde les mêmes scènes que l'électeur de gauche, mais n'y voit qu'atermoiements, tergiversations, louvoiements. C'est peut-être simplement, tristement, pour ne pas (trop) perdre l'électeur de droite, que le charmant Macron fait grenader à Notre-Dame-des-Landes, et garder à vue des lycéens à Paris. Il est utile de s'en souvenir, ne serait-ce que pour comprendre.


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