Pour une hadopi de la blague : sauvons Ruquier !
Daniel Schneidermann - - Humour - Le matinaute - 58 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Ayons une pensée pour une victime d'Internet nommée Laurent Ruquier. Le saviez-vous ? Ruquier arrête ses spectacles politiques. Pourquoi ? Parce qu'il subit de plein fouet une concurrence sauvage et déloyale, celle de quelques centaines de Twittos, qui font aussi des blagues sur la politique. "Le commentaire d'actualité est, si ce n'est à la portée de tout le monde, en tout cas multi-diffusé, déclare-t-il à Thomas Hugues, dans une émission diffusée sur le portail Yahoo. C'est banalisé et donc beaucoup moins rare (...) Quand vous faites une vanne sur Frigide Barjot, avant on était dix à la faire sur Paris. Aujourd'hui il y a 300 personnes qui font la même vanne, et qui en plus vous reprochent de leur avoir piquée, comme si avant Twitter je n'avais jamais écrit une ligne (...) Donc je ne me vois pas aujourd'hui remonter sur scène, parce que je trouve ça banal de commenter l'actualité."
Même si par pudeur Ruquier se garde bien d'en appeler à la solidarité nationale, il est clair que cette interview est un appel à l'aide. Il ne faut donc pas se contenter de verser une larme sur le sort tragique de notre champion national du vent, dernière victime en date d'Internet, après l'industrie du disque, l'industrie du cinéma, l'industrie de la presse, la librairie traditionnelle, et quelques autres. Il faut proposer des solutions. Une production de blagues ultra-sécurisée, à l'abri de pare-feux inviolables ? Des blagues avec DRM, garanties in-copiables ? Une Hadopi de la blague, qui enverrait des avertissements aux pirates produisant des blagues sauvages, sans autorisation ? Si le gouvernement était un peu courageux, il débloquerait en urgence une aide exceptionnelle, pour préserver la production de blagues saines, avec garantie de l'Etat. Ah, on me glisse dans l'oreillette que cette subvention existe déjà, chaque samedi soir, sur une chaîne de télévision du service public. Mais chut ! Bruxelles écoute.
A propos de blagues et de service public, saviez-vous que le site de France Télévisions retransmettait une grande partie des matches de Roland Garros ? Non. Personne ne le savait. Tout le monde le sait aujourd'hui, depuis que le commentateur de ces matches, Pierre-Etienne Léonard, a fait le "buzz", en commentant de manière très...libre. Séquence au Petit journal de Canal+, buzz immédiat, gloire subite : le groupe public a économisé quelques centaines de milliers d'euros en pub. Croit-on que Pierre-Etienne Léonard a été félicité par le patron des sports, Daniel Bilalian ? Non. D'après un blog du Monde, citant l'entourage du "commentateur fou", il a été au contraire fermement rappelé à l'ordre. Ledit Bilalian ne confirme rien, et répond lapidairement qu'il s'agit d'une "affaire interne, définitivement réglée". Il y a, à la tête de France Télévisions, un sympathique cumulard, dont nous dressions le portrait ici, nommé Bruno Patino, et qui se targue d'être un penseur de l'Internet. On serait curieux de connaître son avis sur le sujet.