Pot-au-feu : des sémiologues sur la marmite

Daniel Schneidermann - - Humour - Le matinaute - 43 commentaires

Cette affiche. Cette satanée affiche de la "manif pot-au-feu",  organisée par la bande à Ruffin, et prévue samedi, à Paris. Il faut tous les voir, se transformer en sémiologues. Il faut les voir, frémissants, se pencher sur la marmite, pour inspecter ce qui y mijote.  Ce lancer, manière pavé, de persil, de radis, de poivrons et d'oignons, est-ce une incitation à la violence ? 

Ils pourraient se poser des questions sérieuses : un pot-au-feu en mai, vraiment ? Et des radis dans le ragout, vraiment ? Est-ce une recette picarde ? Et pourquoi pas de carottes ? Et les poireaux, où sont passés les poireaux ? Ils sentent le pâté, les poireaux ?

Mais non. Une seule question les obsède : l'affiche est-elle une incitation-à-la-violence ? Il faut voir BFM soumettre l'affiche à un Mélenchon faussement épouvanté. "Mon Dieu ! Il y a une incitation très claire à jeter du persil !" 

Et ce slogan ! "La fête à Macron" ! "On sait bien ce que signifie faire sa fête à quelqu'un" rappelle sur France Culture Guillaume Erner à Clémentine Autain, reprenant l'analyse du linguiste Benjamin Griveaux (par ailleurs porte-parole du gouvernement). "Où est l'ambiguïté ?" s'offusque Autain. "Quand Johnny parle d'allumer le feu, vous croyez vraiment qu'il veut mettre le feu à la salle ?" Bref, on s'amuse bien. Si la France de 68 s'ennuyait, celle de 2018 joue à fais-moi-frémir.

"Ce dessin dit, renoncez aux actes de violence, pour quelque chose de plus cool, de plus tranquille" désamorce tranquillement Mélenchon (à l'unisson du cuistot Ruffin). Même si on ne les entend pas sur BFM ni sur France Culture, il est probable que les authentiques cagoulés incendiaires de MacDos, de leur côté, trouveront d'avance ce pot-au-feu bien fade. Cette affiche ne dit rien d'autre que ce qu'on a choisi d'y entendre.

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