Philippe Martinez, capitaine de remorqueur, héros inconnu

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 54 commentaires

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Vous ne connaissez pas Philippe Martinez. Vous ne l'avez jamais vu à la télé

. Jusqu'à ce matin, je ne le connaissais pas non plus. Il faut dire qu'il n'y aurait pas vraiment de raison. Capitaine du remorqueur de haute mer Leonard Tide, dont la mission consiste à raviltailler une plateforme pétrolière semi-submersible au large de la Libye, Philippe Martinez a sauvé à deux reprises, cet été, des centaines de migrants en perdition, en Mediterrannée. Il répondait ce matin, bonnet sur la tête, aux questions de Thomas Sotto, sur Europe 1. Son récit, à l'heure où pérorent sur les autres antennes experts et sous-ministres, défie tout compte-rendu sommaire. C'est une sorte de miracle brut, de scène biblique, que je vous conseille d'écouter intégralement. Ce n'est pas mon sujet.

Mon sujet est celui-ci. Pour illustrer cette chronique, j'ai immédiatement cherché sur Google images : je voulais voir le visage de Philippe Martinez. Mais il n'existe pas de photos publiques de Philippe Martinez. Manifestement aucun article national ne lui a jamais été consacré. Seules références connues des sauvetages du Vannetais : deux articles cet été dans son journal local, Ouest-France, dont un en page locale de Vannes.

Pour quelles raisons le système médiatique ne s'est-il pas emparé de ce héros ? Est-ce simplement du fait de cette allergie médiatique aux "bonnes nouvelles", à l'actualité positive, allergie que nous disséquons dans notre émission de la semaine ? Est-ce parce que les journalistes considèrent a-priori que leurs lecteurs, leurs auditeurs, seront allergiques à l'histoire de ce marin, qui a sauvé des centaines de migrants en détresse, pour les remettre sains et saufs aux garde-côtes italiens ? Sans doute un peu de tout cela. Sans doute l'histoire de Philippe Martinez (qui en rappelle d'autres) n'est-elle vraiment utile à personne. A propos de l'aide aux migrants en Mediterrannée, la polémique médiatico-politique se polarise autour de Frontex, l'agence de surveillance des frontières européennes. Pour les adversaires de Frontex, pour les partisans d'une politique plus accueillante et plus transparente, le migrant utile est le migrant mort, échoué sur une plage italienne. Pas le migrant sauvé. Et à l'inverse, les partisans d'un renforcement de Frontex ne vont pas héroïser un acte qui a envoyé des centaines de naufragés supplémentaires dans les camps de rétention de Lampedusa et, ensuite, sur les routes d'Europe. Le capitaine Martinez et son équipage naviguent simplement dans les eaux internationales des récits.

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