Jean-Pierre Everaere, héros inconnu des radios du matin
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 30 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
C'est entendu, aux prochains sifflets, on arrêtera le match.
On ouvrira une enquête judiciaire. On boycottera pour dix ans le pays d'origine des supporters siffleurs. On sifflera à chaque sifflet un penalty en faveur de la France. On fera des expertises de salive, pour déceler des traces de sifflages éventuels. Le jeu en vaut la peine: 80% des Français désapprouvent les sifflets, c'est un sondage-express qui le dit. Donc, les politiques le répètent. Et les radios répètent ce que répètent les politiques. Pour une fois, éteignons la radio. Commençons à surfer. Au hasard du surf du matinaute, ce papier sur le blog de LibéLille. Un homme sera enterré aujourd'hui dans le Pas de Calais. Il s'est noyé dimanche dernier à Saint-Omer, en tentant de sauver de la noyade un clandestin qui s'efforçait de passer en Angleterre. "On sait peu de choses de lui", dit Libé. La Voix du Nord en sait un peu plus: il s'appelait Jean-Pierre Everaere, il avait 47 ans, était père de deux enfants. Il buvait un verre dans un café voisin, quand il a vu le jeune Erythréen tomber dans les eaux du canal, (10 à 12 degrés). Il a plongé. C'était dimanche. "Depuis la fermeture du centre de réfugiés de Sangatte, en 2002, près de Calais le phénomène des migrants n'a pas disparu, explique La Voix du Nord. Il s'est simplement dilué. Au lieu de se focaliser à proximité de Calais, les candidats à l'exil tentent leur chance de plus loin. De la Belgique à la Somme, et sur certaines aires d'autoroute, jusqu'au nord de Paris, ils tentent de monter dans des camions qui font route vers la Grande-Bretagne. Ils viennent de très loin, Irak, Érythrée, Soudan, Afghanistan, chassés par la guerre, et vivent dans l'espoir d'un monde qui ne pourra pas être pire. Le voyage est semé d'embûches. Mais les derniers kilomètres ne sont pas toujours les moins dangereux." |
L'article de la Voix du Nord est daté de mardi. Nous sommes jeudi matin. Cette double noyade, dans sa brutalité, dans sa dimension tragique (le sauveteur victime de son courage), par les enjeux de politique nationale et internationale qui apparaissent en filigrane, est un fait-divers particulièrement "médiatisable". Tentons de deviner ensemble pourquoi il ne l'a pas été (médiatisé).