Peillon contre Chabot : voyous, pièges et dispositifs

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 95 commentaires

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"Méthodes de voyou !"aurait dit la rédactrice en chef de l'émission "A vous de juger", Nathalie Saint-Cricq

, pour qualifier le "coup" du socialiste Vincent Peillon, qui a annoncé son désistement de l'émission d'Arlette Chabot, alors qu'elle était déjà commencée. Qui est le plus voyou, entre le tandem Chabot-Saint-Cricq, et le socialiste déserteur ? C'est parole contre parole. Peillon affirme avoir appris par la bande, et non par les organisateurs du débat, qu'il serait relégué en deuxième partie d'émission. Saint-Cricq rétorque qu'il a lui-même demandé cette position, pour pouvoir "ramasser" ("je cite", insiste Saint-Cricq offusquée, interrogée par France Inter, en rapportant le mot peillonnien) la première partie du débat, Marine Le Pen comprise. Peillon n'en étant pas à sa première conversation téléphonique contestée avec un journaliste (revoyez donc notre belle émission, si vous l'avez manquée), on se gardera bien de trancher ici.

Le geste de Peillon est en tout cas une rupture. Il est contraire aux usages. Est-il pour autant illégitime ? Qui a "piégé" qui ? Quel qu'ait été l'ordre des prises de paroles et des préséances, cette émission était de toutes manières conçue comme valorisante pour Besson, portraituré seul en préambule (ma biographie, ma famille, mon antiracisme viscéral, mon enfance au Maroc, mes blessures intimes, mes plaies ouvertes, etc), avant d'affronter successivement les deux serre-livres de gauche et d'extrême-droite (n'ayant pas droit, eux, à leur quart d'heure de moi-moi-moi, et réduits au statut de contradicteurs, donc de faire-valoir). De ce dispositif, Besson devait sortir dans la position du réaliste mais humain. Même détaillé aimablement aux participants au téléphone, ce dispositif en lui-même était un piège (sans parler du principe de consacrer une émission entière au fumigène de Besson).

Une chose est certaine en tout cas : entre Saint-Cricq et Peillon, l'un des deux ment. C'est peut-être ce qui surprendra le plus nos jeunes @sinautes. Ces gens mentent. Bienvenue dans l'univers enchanté des rapports du premier et du quatrième pouvoir ! Ce n'est d'ailleurs pas d'hier. Après l'heure de gloire de Besson, France 2 offrait à Jospin un hommage posthume de son vivant. Tout a été dit sur cette émission, y compris son dispositif, là encore particulier : Jospin y avait seul la parole. Pas un seul contradicteur. Jospin assure n'avoir nullement demandé ce traitement de faveur. On le croit sur...parole. Dans l'émission ainsi construite, il pouvait donc assurer tranquillement avoir abjuré le trotskisme dès son entrée au PS, ou peu s'en faut, et n'avoir pas joué double jeu pendant des années. Là encore, le glorieux service public ne nous laissait pas d'autre choix que de le croire sur parole.

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