Parrainages : urgence, inventer !

Daniel Schneidermann - - Alternatives - Le matinaute - 252 commentaires

Si l'on m'avait prédit que j'adresserais un jour un salut citoyen et matinal au maire LR de Cannes, David Lisnard, président de l'Association des maires de France ! Et pourtant, son initiative spectaculaire d'accorder son parrainage au candidat qu'il juge "le plus éloigné de ses idées", Jean-Luc Mélenchon, est salutaire. Faut-il dire exemplaire ? C'est simplement un moyen intelligent de se tirer d'une situation constitutionnelle inextricable, trois candidats "importants" (Le Pen, Zemmour et Mélenchon) étant à l'heure actuelle menacés de ne pas pouvoir concourir à la présidentielle, faute d'atteindre le seuil des 500 parrainages d'élus. Pêle-mêle, les maires rebelles au parrainage dénoncent les pressions de leurs administrés depuis que les parrainages ne sont plus anonymes, et la confusion entre parrainages et soutiens.

La situation est d'autant plus "inextricable", qu'elle ne partage pas seulement les partis. Elle partage chacun d'entre nous. Si un maire de gauche avait accordé, pour les mêmes raisons que Lisnard, son parrainage à Zemmour, suis-je bien certain, au fond du fond de moi-même, que j'aurais trouvé son geste aussi admirable ? C'est en chacun de nous qu'une sorte d'absolutisme démocratique se heurte aux petites préférences, aux petits calculs, aux légitimes frayeurs politiques. Sandrine Rousseau, par exemple, se déclare favorable aux dons de parrainages "aux personnes qui sont dans un cadre républicain", précisant qu'elle "sort Éric Zemmour et Marine Le Pen de ce cadre républicain". Mais qui va tracer les contours du "cadre républicain" ?

Depuis la vidéo de Lisnard se développe le concours Lépine du "parrainer n'est pas soutenir". François Bayrou a constitué une "réserve" de quelque 200 maires prêts à parrainer, qu'il répartira vendredi (comment ?). Trois maires varois tirent au sort, entre eux, et devant les photographes, le nom du candidat qu'ils parraineront. Quant à organiser une consultation citoyenne sur le nom du candidat que parrainera l'élu de la commune, n'y pensez pas : c'est interdit par la loi, et le Conseil constitutionnel veille. Cette interdiction est parfaitement imbécile. De tels référendums seraient une esquisse de solution. Il est urgent d'inventer.


Lire sur arretsurimages.net.