NUPES : et la gauche ressuscita !

Daniel Schneidermann - - Médias traditionnels - Le matinaute - 344 commentaires

Satanas ! Revoici donc la gauche. La gauche des smicards, des retraités, des fonctionnaires, des précaires, des caissières, des grandes espérances et des promesses de jours heureux ! Que s'est-il passé ? Tout était si bien verrouillé par les Valls, les Dray, les Fourest, les Cambadélis, toute cette collection de transfuges à pied, à cheval ou en voiture. Que fait la police ? 

Hold-up ? Si un hold-up a bien été effectué, le 1er mai, sur la respectable gauche française, les seuls coupables sont les électeurs du premier tour de la présidentielle, qui ont accordé 22 % à Mélenchon, et renvoyé PS et PC dans les oubliettes de l'Histoire. Tout le reste, le "Élisez-moi Premier ministre", la négociation de LFI avec ses partenaires les uns derrière les autres, manière Horaces et Curiaces, n'a été que génie de l'instant, et génie de la formule. Toujours est-il qu'on en est là, à l'heure où j'écris, avec un bel accord entre LFI et EELV, vilainement baptisé NUPES (Nouvelle union populaire écologique et sociale), ratifié dans la nuit par les écologistes, que lesdits socialistes et communistes (qui seront reçus dans cet ordre à LFI dans la journée de lundi) ne pourront, sauf imprévisible imprévu, qu'adopter à leur tour. Bien joué.

Rien ne se passe comme prévu. En joueur d'échecs, Macron avait élaboré une stratégie présidentielle d'une cynique efficacité (tout miser sur un second tour contre Le Pen) mais n'avait pas vu venir le troisième tour. Et la semaine dernière, la macronie effarée découvrit donc les élections législatives, comme Christophe Colomb l'Amérique. Comment donc ? Il y avait encore des élections derrière les élections ? Et les Français pourraient se laisser séduire par une cohabitation Macron / Mélenchon ? Mais on n'était pas prévenus !

Et non seulement il y a des élections, mais voici que Mélenchon, abracadabra, ressuscite la gauche. Là, ce ne sont plus seulement les macronistes, mais toute la médiacratie qui s'insurge. Il fallait entendre, hier sur France Inter, Carine Bécard, Nathalie Saint-Cricq et Françoise Fressoz, par exemple, gardiennes sourcilleuses de la popolitique habituelle, houspiller Olivier Faure. Mais comment un garçon bien sous tous rapports comme vous, Olivier, pas un mot plus haut que l'autre, a-t-il pu pactiser avec le voyou Mélenchon ? On était si bien, entre nous, à célébrer un artiste unique nommé Macron et, à sa droite et à sa gauche, une savante désolation politique ! On était si bien, à nous lamenter à longueur d'éditos sur l'absence de "projets", de "perspectives", de "débat d'idées", d'utopies, d'incarnation. Vous aussi, vous allez donc "désobéir" à Bruxelles ? Et Faure de rappeler que, le savez-vous, on désobéit déjà ! Sur la privatisation des barrages hydroélectriques, par exemple, cela fait des années que la France résiste à l'injonction européenne "d'ouverture à la concurrence". Et on n'a pas encore été frexités !

Qu'on me comprenne bien. Les injonctions médiatiques de clarification à la NUPES, sur les fournitures d'armes à l'Ukraine, ou la "désobéissance" aux traités européens, qui vont se déployer et saturer l'espace pendant toute la campagne, sont parfaitement légitimes, et nécessaires. Mais il y a quelque chose de comique, dans cette surprise de la macronie médiatique de voir des mouvements politiques différents rechercher et trouver compromis et consensus. Si on pouvait ne s'allier qu'avec soi-même, quel confort !


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