Non-mixité : Pulvar dans le piège

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 201 commentaires

Il y a les méchants flics, qui tabassent à coups de bottin (Sonia Mabrouk, sur Europe 1 et CNews). Et les gentils flics, polis comme tout. Ecoutons Apolline de Malherbe, interrogeant sur BFM Audrey Pulvar, candidate socialiste aux élection régionales en Ile-de-France, sur "le" sujet du moment.

"Quand vous entendez qu'il y a ces, euh, réunions en non-mixité raciale, comme cela a été tout à fait assumé par le syndicat étudiant l'UNEF, est-ce que, euh, est-ce que vous considérez que c'est acceptable ?" C'est attentionné, n'est-ce pas, tous ces "euh" ? On la sent désireuse de questionner respectueux, scrupuleux, on n'est pas sur CNews, on ne tabasse pas. Mais de questionner tout de même. Une émission politique sans sa petite pincée de réunions non-mixtes, ce ne serait pas une "vraie" émission politique.

Et c'est ici qu'Audrey Pulvar trébuche, à propos d'un dominant admis dans une réunion de discriminé.e.s, avec son "on peut lui demander de se taire, d'être spectateur ou spectatrice silencieux". Aussitôt repris de volée par Malherbe : "On peut lui demander de se taire ?" "Oui, je pense que oui". Malheureuse ! Elle aurait simplement dit "on peut lui demander d'écouter", plutôt que "se taire", c'était imparable, tout le monde saluait l'habileté, la hauteur de vue, comme à propos de Laure Adler, la veille, en appelant à ses souvenirs de pionnière du féminisme pour rappeler cette évidence : une parole de dominé.e a besoin, pour se déployer, de davantage d'écoute que toute autre. Personne n'aurait eu l'idée de lui envoyer les gendarmes pour tentative de muselage d'hommes blancs, pour complicité de crime contre l'humanité, comme pour l'imprudente tout le week-end. Même son parti, et -allez savoir !- Anne Hidalgo elle-même, auraient bien dû la soutenir.

Le plus frappant de ce feuilleton, c'est la manière dont il s'est installé sur du vide. Sur rien. C'est une mêlée sans ballon au milieu, une empoignade sur une idée, sur un concept, sur un fantasme. Qui peut citer un exemple de "réunion non-mixte", dans les dernières semaines, qui justifie l'emballement ? En mode good cop ou bad cop, simplement répondre à ces questions, c'est tomber dans le piège. Que faire donc ? Pourquoi ne pas, très respectueusement, ramener aux faits ? Ce qui pourrait donner ce savoureux échange :

- Pour me permettre, Madame de Malherbe, de vous faire une réponse pertinente, pourriez-vous me préciser à quelle réunion non-mixte précise, où des hommes blancs seraient restés à la porte, dans les dernières semaines, puisque nous sommes dans une émission d'actualité, vous faites allusion ?

- Mais enfin, tout le monde parle de...

- Certes, tout le monde en parle. Mais pensez-vous à des hommes blancs précis, à une porte précise d'une réunion précise, sur la base de laquelle nous pourrions utilement discuter ?

- Enfin, l'UNEF reconnait que...

- Bien entendu. L'UNEF a-t-elle mentionné des réunions ? Dans quelle ville ? Sur quel sujet ? Interdites à qui, précisément ?

-  Mais le ministre de l'Éducation, l'an dernier...

- Oui, il faisait allusion à une réunion organisée par Sud Education, en 2017, voici donc quatre ans. Une plainte pour discrimination à ce sujet a été classée sans suite par le parquet de Bobigny. D'autres exemples ?

-...

-Merci. Question suivante, je vous prie.



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