Mélenchon, Blanquer : maudits moments de vérité !

Daniel Schneidermann - - Pédagogie & éducation - Le matinaute - 83 commentaires

Pour le meilleur et pour le pire, déboule parfois une image, qui fracasse toutes les préméditations, tous les calculs, et aussi la simple réalité. Un moment de vérité-mensonge, incongru, inopportun, insupportable.

Prenons Mélenchon. Ce week-end, il déclare à Marseille que Macron est "le plus grand xénophobe qu'on ait". Et le soir même, à minuit et demi, voilà Macron qui déboule sur sa terrasse de restaurant. Que fait l'Insoumis face à ce grand xénophobe ? Rien. Il a oublié. Ah oui, j'ai vraiment dit ça, moi ? Sans doute une petite exagération marseillaise.


Je vous laisse, dans le sujet de TF1 qui s'en pourlèche ci-dessus, découvrir sa défense. Je n'allais pas agresser le président de la République à minuit et demie. Il m'avait traité le premier. Et puis faut bien trouver les mots pour retenir votre attention, vous les journalistes. Je n'ai pas la force de vous livrer le verbatim de défense, mais c'est de ce niveau. Il m'avait traité le premier, Msieur. Le petit Nicolas.

Beaucoup, y compris parmi les Insoumis les plus convaincus, auront un méchant mot qui leur tournera dans la tête : dégonflé ! Et voilà comment la scène, qui a tourné en boucle tout le week-end sur tout ce que le pays compte de télés d'info continue, masque le fond de l'affaire : Mélenchon évoquait l'Aquarius, et oui, Macron est bien celui qui a regardé ailleurs, quand l'Aquarius errait en Méditerranée, avec sa cargaison de plus de 600 indésirables. L'Aquarius qui, quelle coïncidence, fait relâche à Marseille en ce moment. Mélenchon aurait-il seulement prononcé devant Macron le mot Aquarius, il le renvoyait dans ses buts. Raté.

Tiens, un autre moment de vérité. En vedette, Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Education. Dans la terrible querelle du participe passé de l'auxiliaire avoir, qui vient de resurgir en Belgique (fourbes Belges !) Blanquer, bien entendu, est du côté de l'immuabilité de la règle. Il vient à la radio. On lui pose une colle sur ledit participe passé. "Des crêpes, j'en ai mangé", ou "des crêpes, j'en ai mangées" ? Vlan. Il se trompe. Et plutôt que de l'admettre, il fait mine qu'il savait, bien entendu, naturellement, ça va de soi. Et de tenter de retrouver les rails de sa péroraison sur "le rôle fondamental de notre langue" etc.


Imposture. Hypocrisie. Pris en défaut, le ministre aurait pu simplement sourire, en empathie avec le cancre qu'il a peut-être été, et avec tous les cancres d'aujourd'hui qui regardent les vitres redevenir sable, et les oiseaux-lyre passer dans le ciel. Sourire sur son erreur. Reconnaître que oui, c'est tout de même une tannée, ce participe passé de l'auxiliaire avoir. Et là, seulement là, expliquer pourquoi malgré tout, tout bien pesé, cette tannée est utile. Il y a parfois de très bonnes raisons de maintenir des contraintes.  Ne serait-ce que pour apprendre de ses échecs, de ses erreurs. Voyez donc, moi qui ne connais pas les règles par coeur, je suis tout de même ministre. Tout le monde a sa chance ! Au lieu de ça, le déni. La règle s'impose parce que c'est la règle de la France éternelle, circulez ! Avec des amis comme Blanquer, le participe passé de l'auxiliaire avoir n'a pas besoin d'ennemis.

Lire sur arretsurimages.net.