Mélenchon, auto-kaput

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 366 commentaires

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Ca vous dirait, une petite guerre  ? Une bonne guerre !

Il y en a un à qui ça ne déplairait apparemment pas, c'est Mélenchon. Une bonne guerre pour mettre enfin la pâtée aux boches, comme en 14, comme en 40, une bonne der des ders. Une bonne guerre avec cette Merkel, à qui il vient d'intimer en allemand"Ta gueule !" ("Maul zu ! Occupez-vous de vos pauvres et de vos équipelments en ruines") sur Twitter. Et avec cette eurodéputée européenne, avec laquelle il débattait sur France 2 la semaine dernière, et qu'il vient, sur son blog, de traiter de "caricature de boche de bande dessinée".

Evidemment, sermonné par les medias dans les prochains jours, il expliquera comme d'habitude que ce sont les Allemands qui ont commencé. Il se justifiera par les provocations des deux responsables allemandes. Le "Ta gueule" à Merkel répond à la déclaration de la chancelière qui, dans une interview à Die Welt, à quelques jours du congrès de la CDU, a estimé les réformes françaises encore "insuffisantes", s'immisçant ainsi pour la première fois publiquement, directement et, oui, grossièrement, dans la politique française. On peut avoir, intérieurement, envie de lancer "Maul zu !" à Merkel. On peut, comme citoyen, le penser très fort (et Guaino, soutien de poids de Mélenchon, pense en effet que beaucoup de Français le pensent). Mais si l'on s'attache à l'idée ringarde qu'il doit subsister une légère différence de niveau d'expression entre un twittos et un candidat à la présidentielle, on se retient.

Mais enfin, ce n'est encore que grossièreté contre grossièreté. Ses lourdes plaisanteries sur l'accent "boche" de Ingeborg Grässle, eurodéputée CDU avec laquelle il débattait sur France 2 la semaine dernière, sont d'un autre ordre.  Ce n'est pas la conservatrice obstuse, qui est cette fois attaquée, mais l'Allemande. Mélenchon, sur son blog : "Et le sommet de tout fut atteint avec cette député allemande, caricature de "boche" de bande dessinée avec cette phrase d’anthologie où elle déclare : "che n’ai pas bien kompris qu’est-ce que fou foulez faire sinon fou couper les chéfeux entre fous !" Du Jacques Villeret dans le rôle d’Apfelstrudel de "Papy fait de la Résistance" ! En moins drôle et même très glacial ! Dès le lendemain, je n’ai plus compté les gens qui m’ont arrêté dans la rue pour me féliciter d’avoir "bien répondu à l’Allemande". Ce qui m’en apprend beaucoup sur ce que pense notre peuple".

La plaisanterie de Grässle sur le coupage de cheveux, déformant une citation antérieure de Mélenchon, était certes stupide et insolente. Mais cette lourde attaque sur l'accent de la "boche" ! Que Mélenchon commence par pratiquer l'allemand aussi bien que Grässle le français, et on en reparlera. Quel autre mot trouver, au lendemain de la bataille, que désolation ? Désolation, de voir un analyste étincelant, un virtuose du démontage par l'intelligence des ruses du système (il en donne d'ailleurs, à propos des graphiques trompeurs de Lenglet, une nouvelle démonstration dans le même post de blog, passage médiatiquement annihilé par le précédent), le seul politique qui, dans les dernières années, a sû nous faire re-croire à la politique et au verbe, désolation de le voir s'enfoncer dans cette guerre sans merci contre lui-même.

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