Medias et indépendance : trois histoires du matin
Daniel Schneidermann - - Intox & infaux - Déontologie - Le matinaute - 39 commentaires
tiens, je lis que Paris va offrir des locaux gratuits à Mediapart, Bastamag, Les Jours, Alertnatives économiques, Arrêt sur image, Politis. Je suis frappé par l'éventail idéologique, le pluralisme, le foisonnement d'idées, le débat permanent qui va habiter ces lieux
— Stephane Soumier (@ssoumier) December 3, 2019
Et vive le journalisme ! Ex-présentateur nouveaumondophile de la matinale de BFM Business, Stéphane Soumier twitte ceci. Vérification faite, il s'agit d'un article du Monde
, assurant que la Mairie de Paris, en association avec l'homme d'affaires Olivier Legrain, souhaiterait regrouper dans un même local, moyennant loyers "à des conditions avantageuses"
, plusieurs medias indépendants "plutôt classés à gauche"
. Mais outre que Le Monde
reconnait que Mediapart
est "en retrait"
, le nom d'Arrêt sur images
est cité parmi les heureux bénéficiaires potentiels alors que... nous ne sommes au courant de strictement rien. Nous avions, un temps, accompagné Legrain dans son projet de mécénat - qui s'est au final révélé assez fumeux-, mais il ne saurait être question de bénéficier d'un quelconque avantage d'une maire de Paris en campagne pour sa réélection (et même après cette éventuelle réélection), pas davantage que de tout autre pouvoir de gauche, de droite, ou d'extrême centre. Fake news du Monde
. Sur-fake news de Soumier. N'en jetez plus !
A propos de chasse aux fake news, suite des aventures du "conseil de déontologie" de la presse, dont la création agite le milieu. Présentant le projet, nous nous demandions avec pertinence d'où proviendraient ses moyens. Eh oui. Demande-toi toujours d'où vient l'argent ! On a eu la réponse hier soir, lors de la première réunion. Puisqu'il s'agit d'intérêt public, pourquoi ne pas faire appel au public, par exemple par un crowdfunding ? Apparemment, les initiateurs n'y croient pas. Le nouveau bidule de l'historien Patrick Eveno aimerait vivre sur fonds publics... sur le modèle du CSA, voire sur une partie de son budget. C'est pour cette raison, qu'a été organisée cette réunion en urgence, avant le vote d'une énième loi sur l'audiovisuel. Il va donc falloir lobbyiser dans les couloirs de l'Assemblée et des ministères. Bon courage !
Tiens, à propos de l'ancienne maison de Stéphane Soumier, BFM, j'avais manqué cet article sur "les produits Apple" bénéficiant de vraies promotions pour le "black friday", article signé par une vraie journaliste. Parfait, belle investigation. Vive les "réelles promotions"
! Mais tiens, que signifient donc ces petits caractères, en bas de l'article ?
BFM serait donc "susceptible de percevoir"
une rémunération ? Seulement "susceptible"
? Quelle timidité ! J'attends de pied ferme le tweet de Stéphane Soumier.
Vous trouvez que chacun devrait avoir accès à ce contenu ? Nous aussi ! Voici venir la fin d'année. Pour nous aider à mettre un maximum de contenus en accès libre, c'est le moment de nous soutenir par un don, défiscalisable à 66%. Et comme chaque année, ça se passe par ici.
Le lien d'affiliation, un revenu supplémentaire pour certains médias
L'article de BFM contient des "liens d'affiliation". Cela signifie qu'à chaque fois qu'un lecteur clique sur le lien et achète le produit sur le site sur lequel il renvoie, BFM touche une commission de la part du commerçant (et non de la marque, comme suggéré dans la chronique). Le site de la chaîne est loin d'être le seul à avoir ce type de pratique en France : le Huffpost le pratique, ainsi que Le Parisien, ou même Le Monde. Avec des formes légèrement différentes : au Parisien, les articles contenant des "liens d'affiliation" comportent une mention "La rédaction du Parisien n'a pas participé à la réalisation de cet article". Sans que l'on sache qui écrit l'article exactement. Au Monde, un partenariat a été passé avec Wirecutter, une filiale du New-York Times. Ce service écrit des tests consommateur, dont Le Monde choisit un certain nombre, qu'il traduit. Un lien permet d'acheter le produit testé. Si le lecteur achète, Le Monde perçoit une commission, ainsi que Wirecutter. A BFM et au Huffpost, en revanche, ce sont les journalistes maison qui écrivent les articles comprenant des liens d'affiliation. Mais, assure le Huffpost, "aucun élément commercial n’est pris en compte dans le choix des sujets ou la manière dont ils sont traités". Le fait que le site gagne de l'argent à chaque fois que ses lecteurs achètent les produits dont on lui parle n'aurait donc pas le moindre impact sur la manière dont il en parle. Dans le cas de l'article de "Black friday" de BFM, de nombreux liens, par exemple ceux menant vers Darty, affichent une balise comprenant "awin". Cela signifie que BFM passe par cette entreprise pour ses liens d'affiliation. Awin, c'est une société assurant la mise en relation entre un "marchand" (un site de vente en ligne) et un "affilié" (en l'occurrence un média). Quand un achat est réalisé par ce biais, le média perçoit une marge, mais aussi Awin.