Mauricette : chacun sa bulle

Daniel Schneidermann - - Coups de com' - Le matinaute - 122 commentaires

Qu'a donc dit Mauricette ? Mauricette a-t-elle dit "Ah faut faire un vaccin" ? Ou bien "ah faut faire avec ça" ? La chose est tout sauf indifférente. Mauricette est la première vaccinée française, estampillée Pfizer-BioNTech, contre le Covid. Et tandis que l'on relevait la manche de Mauricette, 78 ans, devant le directeur de l'Agence Régionale de Santé, l'AFP (lire son reportage) et la caméra "pool" de TF1-LCI, Mauricette a donc exprimé une laconique surprise. Mais qu'est-ce qu'elle a dit ? "Ah faut faire un vaccin", s'étonnant ainsi de l'opération elle-même, comme l'ont entendu de nombreux anti-vax, ou aussi par exemple l'historienne de gauche Ludivine Bantigny, dans un tweet retiré après quelques heures ? 

Ou bien "ah faut faire avec ça", s'étonnant, de manière plus limitée, de l'instrument de cette opération, comme l'ont entendu, promis juré, les journalistes de BFM ?

Dans la première hypothèse, le consentement de Mauricette au vaccin aura été forcé. La solennelle promesse du gouvernement -"pas d'obligation de vaccin"- aura été bafouée. Une preuve de plus de la duplicité des élites, après le couac de la semaine dernière, ce traître projet de loi promptement retiré par Olivier Véran, et qui visait à pouvoir"subordonner les déplacements des personnes, leur accès aux moyens de transport ou à certains lieux, ainsi que l’exercice de certaines activités à la présentation des résultats d’un test de dépistage établissant que la personne n’est pas affectée ou contaminée, au suivi d’un traitement préventif, y compris à l’administration d’un vaccin, ou d’un traitement curatif". Dans la seconde hypothèse, le "consentement libre et éclairé" de Mauricette aura été, comme il se doit, recueilli verbalement.

Tout avait si bien commencé ! Depuis la veille au soir, BFM planquait sur le parking de l'hôpital de Sevran. A quelques jours près, la promesse d'Emmanuel Macron d'un début de campagne de vaccination "en décembre" allait être honorée en fanfare, sous vos applaudissements. Moyennant une légère précipitation -le non-respect du délai de quinze jours entre les avis de l'Agence Européenne du Médicament et de la Haute Autorité de Santé, et la livraison des doses- la France ne serait pas le dernier pays d'Europe à entrer en campagne.

 "Un vaccin" contre "avec ça".  Maudites voyelles, où les placer ? A l'heure où tombent en rafales les sondages sur la méfiance des Français par rapport aux vaccins (voir notre émission), où les gouvernants semblent trembler d'être déférés devant une sorte de tribunal de Nuremberg pour tout incident de seringue, la question peut se révéler déterminante pour la campagne ultérieure de vaccination.

Qu'a donc dit Mauricette ? "Il n'a pas du tout fallu la convaincre. Elle nous a dit qu'elle était prête à tout pour éviter cette maladie" a déclaré dans une petite conférence de presse le Docteur Samir Tine, chef du service gériatrique de l'hôpital de Sevran. Mais cela n'a plus aucune importance. Ceux qui souhaitent entendre "un vaccin" , et sont certains d'avance de l'abus de faiblesse au détriment de Mauricette, ne seront jamais convaincus d'entendre autre chose. Ceux qui souhaitent entendre "avec ça" resteront fermes sur leur confiance dans la parole des pouvoirs. Cela pourrait s'appeler des bulles de convictions, chacun la sienne. Cela pourrait aussi résumer le monde d'aujourd'hui. Le coup a été joué, et perdu. 


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