Maryam Pougetoux, la question manquante

Daniel Schneidermann - - (In)visibilités - Le matinaute - 92 commentaires

Autour de Maryam Pougetoux, présidente de l'UNEF Paris IV, qui a témoigné en hijab, à propos de Parcoursup, dans un journal de M6, se déroule depuis une semaine l'habituelle farandole de tous ceux qui parlent sans savoir. Nous vous l'avons résumée ici. Mais on n'avait jamais encore entendu directement l'étudiante de 19 ans. Hier, était mise en ligne par Buzzfeed une interview approfondie de la jeune femmeA propos des différents fantasmes de ceux qui la soupçonneraient de radicalisation, elle répond avec un grand bon sens, faisant le lien avec son combat syndical : "Lorsqu'on donne la possibilité à des jeunes de s'éduquer, d'aller à l'université, de se forger leur propre opinion pour qu'ils réfléchissent par eux-mêmes, on ne devrait pas avoir ce souci de jeunes radicalisés". Parfait. Puis, aux ministres et nombreux dirigeants politiques qui ont évoqué un éventuel "message politique" de son hijab, elle répond "mon voile n'a aucune fonction politique. C'est ma foi." Nous y voilà.

Après une dizaine de questions, les deux intervieweurs de Buzzfeed, David Perrotin et Paul Aveline, abordent le sujet. "Certains voient une contradiction entre votre voile et le fait de militer au sein de l'Unef, syndicat qui défend des causes comme le mariage pour tou-te-s ou l'avortement. Quel est votre avis ?" Son avis lui est donc demandé, non pas sur le fond, mais sur le point de vue de "certains". Puis, question suivante : "En tant que représentante d'un syndicat en pointe sur ces questions, on pourrait vous reprocher de ne pas dire clairement "Oui, je suis pour le mariage pour tous ou pour la procréation médicalement assistée." Ce qui permet à l'interviewée de s'en tirer sans répondre sur le fond : " Que je dise oui, non, je ne sais pas, on trouvera toujours un truc à redire".

Dix-huit questions dans cette interview, et jamais les deux intervieweurs ne posent la question directement : "quelle est votre position personnelle sur le mariage pour tout.te.s, sur l'avortement, ou sur la GPA ?" Pourquoi ? N'y ont-ils simplement pas pensé ? Ont-ils redouté que cette question apparaisse comme intrusive, voire sacrilège ? Il est exact que l'on ne la poserait pas à un responsable syndical étudiant ne faisant pas état publiquement de sa foi religieuse. Sa qualité de cadre de l'UNEF, syndicat progressiste, permettrait à elle seule de présumer la réponse. Mais les signes contradictoires émis par Maryam Pougetoux (le hijab + la qualité de présidente de l'UNEF Paris IV) laissent pour le moins une incertitude. La question mérite donc d'être posée, de même qu'il serait intéressant de savoir si elle lui a été posée par ses camarades lors de l'élection de Maryam Pougetoux à la présidence de la section de l'UNEF Paris IV.  Dans l'intérêt unique, bien entendu, d'un débat éclairé.

Mise à jour, 22 mai. Dans la journée du 21, Maryam Pougetoux a répondu par texto à Salhia Brakhlia, de BFMTV"Je partage toutes les valeurs de l'UNEF sinon je n'en ferais pas partie. Je milite pour la liberté de choix de chacun.e Autrement dit, le droit pour tou-te-s de se marier avec la personne de son choix. Le droit à chaque femme de disposer de son corps." Fin de l'épisode, pour ce qui me concerne. Il n'a jamais été ici question d'autre chose, que de la précision du questionnement médiatique.  Reste maintenant à attendre et observer les réactions de tous ceux qui ont spéculé sur les intentions de Maryam Pougetoux, et ont parlé à sa place, sans rien savoir de ce qu'elle pensait.


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