Marion Rousse, consultante et compagne

Daniel Schneidermann - - Médias traditionnels - Déontologie - Le matinaute - 108 commentaires

Ancienne coureuse cycliste elle-même, Marion Rousse commente le Tour de France pour France Télévisions. C'est la première fois qu'une femme commente l'épreuve. Très bien. Or, elle se trouve être officiellement en couple, depuis quelques mois selon les gazettes bien informées, avec l'actuel porteur du maillot jaune, Julian Alaphilippe. Ce qui ne l'empêche pas de louer, sur le plateau de France 5, "l'humilité, le panache, la façon de courir" d'Alaphilippe. "Il est tellement ouvert avec les gens, il donne tellement d'amour à tout le monde. On aime sa façon de courir, il donne tout sur le vélo." Alors la présentatrice, Anne Elisabeth Lemoine.  "Vous êtes impartiale, Marion Rousse ? Parce qu'il faut expliquer, et puis après on passe à autre chose, que vous êtes la compagne de Julian Alaphilippe..."

Là-dessus, une caricature, publiée dans L'Huma, suscite un émoi général, sur le thème du sexisme. Ci-dessous, la caricature, le tweet offensé de Marion Rousse, et les excuses de l'ex-organe central du Parti Communiste Français.

La caricature est grossière, offensante, pas drôle. Non parce qu'elle met en scène l'ambiguïté de la situation du couple -ce n'est pas un sujet tabou. Mais parce qu'elle assimile la consultante sportive à une prostituée. Du coup, cette caricature pas drôle achève de ranger le public  du côté de Marion Rousse. 

Il faut dire que le public est, d'avance, invité à l'indulgence. Découpant ce passage de l'émission, France 5 titre son tweet sur "les jolis mots de Marion Rousse pour décrire Julian Alaphilippe, son compagnon".  "Après on passe à autre chose" dit Anne-Elisabeth Lemoine. Mentionnons ce détail gênant, puisque chacun le connait, mais n'insistons pas. La même situation se retrouve certes dans d'autres domaines journalistiques (politique, économique, partout). En général, elle est plus ou moins masquée, provoque une sorte de réprobation -légère, on est en France- mais réprobation tout de même. Pas dans le cas du couple Rousse-Alaphilippe. Comme si ce couple n'était que l'illustration d'une endogamie admise entre les commentateurs sportifs et les champions dont ils parlent, endogamie qui, dans le passé, a par exemple conduit à une pudique occultation par les premiers de la pratique du dopage par les seconds. Comme s'il était communément admis, par extension, que le journalisme sportif soit un journalisme de supporters.


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