Macron et Darmanin, d'homme à homme

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 45 commentaires

"J'ai eu une discussion avec lui parce que c'est un responsable politique qui est intelligent, engagé, qui a été aussi blessé par ces attaques. Donc, il y a aussi une relation de confiance d'homme à homme, si je puis dire" raconte Macron, interrogé par Léa Salamé et Gilles Bouleau, sur la nomination de Gérald Darmanin au ministère de l'Intérieur, malgré les accusations de viol qui pèsent sur lui (extrait d'ailleurs savamment évacué par le compte Twitter de l'Elysée, dans sa sélection d'extraits).

D'homme à homme. Inconscience ou provocation ? se demande ma consoeur Laure Bretton, dans LibéPostulons l'inconscience, de la part de cet homme que rien, dans son comportement personnel public avec les femmes, ne peut jusqu'ici faire soupçonner de sexisme. Mais si ce n'est pas une provocation, c'est presque pire. Cela signifie qu'il n'a pas mesuré à quel point cette expression, "d'homme à homme", a changé de sens depuis #Metoo, et est devenue justement excluante pour la moitié de l'humanité. "Nous avons eu une discussion de dominant à dominant, et nous en avons conclu que notre domination était juste". "Nous avons eu une discussion de Blanc à Blanc, et nous avons conclu que l'esclavage était une nécessité économique". Comment faut-il vous l'expliquer ?

Il parait que politiquement, Macron n'a pas eu le choix de nommer Darmanin. A en croire les commentateurs bien informés, Darmanin a exigé le poste de l'Intérieur, sous peine de rentrer à Tourcoing... avec un crochet par Le Havre. Sitôt le gouvernement précédent démissionné, il était allé assister à l'élection d'Edouard Philippe dans sa ville. Signal explicite à Macron, sur le thème : "si tu ne veux pas que je passe dans l'écurie concurrente..."

Entre le président et un de ses ministres, le principe de cette conversation, et même l'argument déployé par le pouvoir de la présomption d'innocence, ne m'apparaitraient pourtant pas choquants, pour tout autre poste que celui de ministre de la police. Je ne vois pas comment le reprocher à Macron, en se souvenant par exemple que ce qui avait été reproché à Hollande dans l'affaire Cahuzac, c'est justement de n'avoir pas osé une explication "d'homme à homme" avec son ministre accusé par Mediapart de détention de comptes à l'étranger.

Mais Darmanin est ministre de l'Intérieur. Accusé de viol, cela signifie qu'une information va être ouverte. Un juge d'instruction va donc être nommé, qui va commander des actes d'enquête à des policiers. Ces policiers, même opérant en police judiciaire, seront placés sous l'autorité hiérarchique de Darmanin. Toute information sensible ayant une tendance irrépressible à "remonter" la chaîne hiérarchique (voir notre émission avec Ugo Bernalicis, sur les "remontées" dans la chaîne policière), ces informations remonteront à Gérald Darmanin. Ce simple constat physique aurait dû dissuader Macron de le nommer ministre de l'Intérieur, sans qu'il soit besoin de réfléchir plus loin. Au delà de l'indignation, la nomination de Darmanin est physiquement porteuse de scandales à répétition.





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