Lordon, la bonne nouvelle de Tolbiac

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 53 commentaires

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Tiens, pour une fois, j'ai causé dans le poste du matin. Et du petit matin : à 7 heures 15, en direct.

Pas d'une radio française, ne rêvons pas. Si les radios françaises, et les medias français en général, savaient qu'@si existe, on s'en apercevrait. Non. J'étais sollicité par Namasté, l'émission du matin de la station Couleur 3 de la RTS, la radio télévision suisse. Sur un sujet éternel : pourquoi les medias ne diffusent-ils que des mauvaises nouvelles ? Si vous voulez écouter, c'est ici. Mais vous n'êtes pas obligés.

Vous n'êtes pas obligés, car je crois que je suis passé à côté des bonnes réponses. A la question marronnier -pourquoi les medias ne vendent-ils que des mauvaises nouvelles ?- je n'ai apporté que des réponses-marronnier. Une fois la question légèrement rectifiée -il existe des medias de masse spécialisés dans les bonnes nouvelles, par exemple le journal de 13 heures de TF1 ou Paris Match- j'ai répondu en expert des medias classique. Si "lémédias" vendent majoritairement des mauvaises nouvelles, c'est pour de bonnes et de mauvaises raisons. Les bonnes : à l'origine, "lémédias" sont un contrepouvoir, dont le but théorique consiste à critiquer les principaux pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire). L'exercice implique d'insister, en effet, sur ce qui ne marche pas, c'est à dire plutôt les policiers qui matraquent les lycéens, que les policiers qui aident les vieilles dames à traverser. Quant aux mauvaises raisons, elles se résument à la loi du marché : l'angoisse fait vendre.

Autant dire, amis auditeurs suisses, que j'ai raté l'essentiel. 7 heures 15, c'est un peu tôt pour rassembler ses esprits. Car les bonnes nouvelles ne sont pas toujours où on les attend. Au nombre des bonnes nouvelles, j'aurais pu mentionner le succès de Merci patron, film qui démontre qu'il est possible de berner, et de ridiculiser, la direction d'une des plus prestigieuses entreprises françaises (notre émission est ici). Au nombre des bonnes nouvelles, j'aurais pu aussi mentionner la loi El Khomri. Mais oui. D'abord parce qu'elle nous a permis de rencontrer Klaire, comme je l'explique ici. Mais aussi parce qu'elle aura été "le petit quelque chose qui nous manquait pour faire précipiter à grande échelle tout ce qui est en suspension depuis plusieurs années". Qui le dit ? C'est Frédéric Lordon à Tolbiac, hier, devant les étudiants en grève : un Lordon en état de grâce, porté par un amphi débordant d'enthousiasme, lancé dans un jubilatoire entartage symbolique de de cette loi, "qui aura eu le merveilleux pouvoir de nous réunir" -entendez, les étudiants et les salariés. Je connaissais le Lordon des plateaux, mais pas encore le Lordon des amphis occupés. C'est un autre Lordon, qui tient en laisse ses phrases kilométriques, et les a concentrées en fulgurances-projectiles. Tiens, celle-ci, encore : "Revendiquer, c'est déjà être soumis. C'est s'adresser à des puissances tutélaires aimables. Si les enfants réclament, grandis ils revendiquent". Ecoutez-le d'urgence. Je ne veux pas trop m'avancer, mais il est fort possible que quelque chose soit né, le 30 mars, dans l'amphi occupé de Tolbiac. Quelque chose ? Un autre ton, une autre voix, une autre voie. Ce qui serait évidemment une assez bonne nouvelle.

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