Le pouvoir et ses Jojos

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 53 commentaires

Ils y prennent goût, au grand débat. « C’est pas sympa un p’tit débat comme ça ? Il est où le prochain ? » demande Edouard Philippe, au journaliste du Monde qu'il a emmené avec lui, en remontant dans son Falcon après trois heures de débat à Lenax (Allier, 260 habitants). Tout va bien. On se promène, on recueille les questions, on prend des notes (surtout, prendre des notes). Tout va bien. On écoute Dire Straits dans la voiture, et même, détail hautement signifiant relevé par Olivier Faye, du Monde, "on prend le temps d'une brève mais décontractée pause pipi" sur le bord de la route. Si on avait sû que ce n'était que ça, on en aurait fait plus tôt, des grands débats.

Pendant ce temps, Emmanuel Macron rencontre à l'Elysée une poignée d'éditorialistes triés sur le volet. On papote démocratie, sortie de crise, états d'âme. Pourquoi pas un référendum sur la "dose de proportionnelle" à introduire dans le mode de scrutin, "dose" qui pourrait même dépasser 15%. Promis, il va tenir sa langue. Terminé les petites phrases, le pognon de dingue, les illettrées. Pour preuve, immédiatement après, Macron déplore que sur les plateaux de la télé continue, "Jojo avec un gilet jaune a le même statut qu'un ministre ou un député!" Jojo. Si certains en font leurs titres, d'autres ne relèvent même pas.

Macron et Philippe vivent entre eux, avec leurs journalistes. A la sauterie de l'Elysée comme dans le Falcon de Lenax, pas une allusion malpolie aux blessés des samedis. Pas une allusion à la loi anti-casseurs, aux interdictions préventives de manifestations par les préfets, à la polémique sur les lanceurs de balles de défense dans les mains de policiers qui n'y sont pas formés. Pas une allusion aux Jojos suturés, aux Jojos à la main arrachée, aux Jojos éborgnés. Les Jojos du pouvoir sont dans leur bulle, comme ceux d'en face.

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