Le Pen, et les résistants du mironton
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 59 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Un épouvantail si pratique, cette Marine Le Pen !
Vous avez vu, le montage de l'émission C a vous, que nous vous proposions hier ? L'équipe de l'émission de France 5 a reçu Marine Le Pen, oui, mais attention ! Pas question d'offrir la moindre image de convivialité ! Aucun plan de coupe sur les casseroles, pendant que discourt la maudite ! Ah, sublimes résistants du mironton, maquisards du ragoût, entrez donc au Panthéon, avec vos lèvres qui n'ont pas goûté de ce plat-là ! Il y a un autre résistant persécuté, c'est Ruquier. Il avait proclamé qu'il n'inviterait pas Le Pen. France télévisions lui impose apparemment de le faire, révèle Emmanuel Berretta, promptement re-tweeté par Aphatie (comme ces gens s'aiment).
Si je me permets d'ironiser, c'est (entre autres) pour cette raison, qui pourrait échapper lors d'une première lecture rapide des épisodes: le candidat qui souffrirait le plus d'un bon score de premier tour de Marine Le Pen, s'appelle Sarkozy, Nicolas. Réduire la visibilité médiatique de Marine Le Pen, c'est donc servir objectivement Sarkozy. Notons d'ailleurs que tous les résistants anti Le Pen ne font jamais montre des mêmes scrupules, quand il s'agit de recevoir des UMP, collègues ou soutiens d'un Guéant, par exemple, préposé gouvernemental aux agressions verbales contre l'immigration, même légale. Ainsi Guaino ou Estrosi, par exemple, ont eu droit, eux, à leurs plans de coupe conviviaux sur France 5. On voit là les terribles limites de l'héroïsme.
Oui mais, ce n'est pas si simple non plus. En matière de communication, les effets pervers l'emportant le plus souvent sur les effets recherchés, victimiser Marine Le Pen, quand on s'appelle Ruquier, lui offrir sur un plateau le statut de paria du système, c'est la conforter dans son statut de victime aux yeux de toute cette fraction des exclus de la représentation majoritaire qui, pour cette raison, s'identifie à elle. En toute logique (et en considérant qu'en cette matière tous les comportements obéissent à des motivations logiques, et produisent des effets logiques), dé-victimiser Le Pen, comme France Télévisions vient de l'ordonner à Ruquier, c'est donc servir Sarkozy. Incapable de trancher entre ces chaînes de causalité, et les fêtes de fin d'année approchant, le matinaute vous les offre toutes. A vous de choisir la clé de lecture qui vous arrange.