Le jour où les chasseurs (et Macron) ont flingué Hulot
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 115 commentaires
"Vous êtes sérieux, là ?"
Léa Salamé n'en revient pas. Avant d'entrer dans le studio de France Inter, Hulot n'avait prévenu ni Demorand, ni Salamé, ni le nouveau chroniqueur Pierre Haski. C'est contraire à tous les usages. Une démission médiatique, habituellement, se négocie à l'avance. Je te donne l'exclusivité de ma démission, si tu me donnes du temps, et une belle place pour l'expliquer. Tope là.
Nicolas Hulot : "Sur un enjeu aussi important, je me surprends tous les jours à m’accommoder des petits pas" #le79interpic.twitter.com/bvCi9g7JSv
— France Inter (@franceinter) 28 août 2018
"Je ne veux pas donner l'illusion que ma présence au gouvernement signifie qu'on est à la hauteur sur ces enjeux-là. Et donc je prends la décision de quitter le gouvernement". "Vous êtes sérieux, là ?"
Comme si ça pouvait être une blague. Avec ces écolos, on ne sait jamais ! Salamé : "je tiens à préciser que vous ne nous l'aviez absolument pas dit avant d'entrer dans ce studio, bien au contraire"
. Manifestement, Hulot a dérogé aux usages. Sur cette démission que guettait toute la planète Media, à force de tartiner depuis un an sur la démissionnite du ministre, dont on se demandait seulement quels seraient la forme ou le moment (saluons la prescience catégorique de notre ex-chroniqueur Fabrice Nicolino), la surprise est néanmoins totale. C'est seulement après quelques minutes d'interview, que Hulot a annoncé sa décision, dont il annonce dans la foulée qu'il n'avait prévenu ni Macron, ni Edouard Philippe. En sortant du studio, il confiera même à Thomas Legrand qu'il a pris sa décision en direct, en écoutant les questions de Demorand et Salamé. Chapeau, le duo ! Quel ministre, demain ?
Nicolas Hulot : "Je prends la décision de quitter le gouvernement" #le79inter cc @leasalame@ndemorandpic.twitter.com/MhRq7zEktM
— France Inter (@franceinter) 28 août 2018
Qu'importe quelle a été la goutte d'eau. Qu'importe si c'est, comme l'avance Hulot, la découverte de la présence d'un lobbyiste, Thierry Coste, à une réunion à l'Elysée sur la chasse, la veille, à laquelle il n'avait pas été invité (enquête sur le personnage ici) réunion au cours de laquelle Macron a offert aux chasseurs-électeurs une division par deux du coût du permis de chasse, et la promesse d'"une gestion adaptative des espèces". Qu'importe si c'est le "trouillard", à lui lancé cet été par Brigitte Bardot, qui lui a été insupportable. Qu'importe sur quel caillou il tombe : il tombe bien. Les mots, pour la première fois, sonnent juste.
D'autres, toute la journée, dresseront des bilans du ministre Hulot, on mesurera au pied d'arpenteur la longueur des petits pas. On disputera sur le point de savoir s'il aurait dû partir plus tôt, ou rester encore un peu. On discutera de sa manière de rejeter la responsabilité de l'impuissance générale sur l'opposition "pas capable de se hisser au-dessus des querelles habituelles"
, et sur les citoyens -"où sont mes troupes ?"
demande Hulot. Reste de cette décision une clarification bienvenue. Etrangement, on respire mieux. Désormais, les assassins sont entre eux. Ce n'est pas d'eux, qu'il faut attendre salut, ou protection contre l'effondrement qui vient. Oui, la planète brûle, et Hulot ne veut plus nous servir d'alibi pour regarder ailleurs. C'est l'essentiel.