Le Figaro (et les autres) expliqués à Cyril Dion

Daniel Schneidermann - - Alternatives - Le matinaute - 129 commentaires

Regardez bien cette titraille du Figaro, rendant compte des résultats de la Convention citoyenne pour le climat. Gros caractères gras contre caractères maigres, titre sur les "cris", sous-titre sur "l'adhésion massive" : toute la toxicité médiatique y est concentrée. Je parle du Figaro, mais on pourrait faire le même constat sur tous les medias du pays. Conflit conflit conflit. Bagnole bagnole bagnole. Zoom sur le train qui n'arrive pas à l'heure, silence sur tous les autres. Ne découvrons pas la lune : ce traitement n'est ni nouveau, ni réservé aux sujets climatiques. C'est une règle de base des médias, depuis que les médias existent. 

Cyril Dion (que nous avions reçu au début du processus) s'énerve. On le comprend. Mais ce combat, Cyril Dion, devra en grande partie le mener sans les médias, et souvent contre eux. Conseil : prenez tout ce qu'il y a à prendre, les invitations télé, les enquêtes fouillées sur le changement climatique (elles sont nombreuses), la starification juliettebinochienne de la cause, tout ce qui peut servir. Mais prenez acte une fois pour toutes de leur ambiguïté congénitale. Le même journal qui investigue sur le changement climatique dépend économiquement des pubs pour les SUV. Et les publiera en vis-à-vis. Sans voir le problème.

Les mesures préconisées par la Convention citoyenne (lire ici le détail de ces mesures, et leur accueil politique et médiatique) méritent pourtant un vaste, un vrai débat. À commencer par l'une des seules mesures que les 150 tiré.e.s au sort souhaitent voir soumise à référendum : l'inscription de la protection de l'environnement dans la constitution. D'après une rapide recherche matinale, quasi-aucun média n'en a livré le détail. Le voici : il s'agirait d'ajouter au préambule de la Constitution, après la proclamation de "l'attachement aux Droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale", la phrase: "La conciliation des droits, libertés et principes qui en résultent ne saurait compromettre la préservation de l’environnement, patrimoine commun de l’Humanité". Et à l'article 1 de la Constitution, d'ajouter la phrase: "La République garantit la préservation de la biodiversité, de l'environnement et lutte contre le dérèglement climatique".

Droits et libertés contre préservation du patrimoine commun : dans l'urgence où nous sommes (coucou la canicule en Sibérie), c'est une question insupportable, odieuse, des prochaines décennies, mais elle est incontournable.  Et c'est pourquoi, dans sa sagesse citoyenne, c'est celle-ci - avec la création d'un crime d'écocide - et pas une autre, que le panel souhaite soumettre à référendum. Quelles libertés individuelles et économiques sommes-nous prêts à sacrifier, pour la sauvegarde de la planète ? Car le panel a bien vu que cela inclut la réglementation sur les limitations de vitesse, et la dépasse considérablement. Pour dire les mots, des mesures autoritaires vertes ne sont-elles pas la seule solution ? Toutes les autres questions (légitimes, bien entendu) ne sauraient éliminer celle-là.


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