Le racisme, oui, mais sans ricanements !

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 159 commentaires

Tous ensemble, détestons donc Valeurs Actuelles ! Je ne fais pas la fine bouche. Elle est certes réconfortante, l'unanimité dans la condamnation de la fiction raciste publiée dans le dernier numéro de l'hebdomadaire, et ayant pour but d'humilier la députée insoumise Danielle Obono. Sur la mécanique perverse de cette humiliation par le texte, on lira la fine analyse, dans notre enquête, de la chercheuse en littérature Amina Damerdji, ou encore celle de notre chroniqueur André Gunthert. Mais ce réconfort une fois savouré, reste à regarder en face le terreau qui a produit la plante vénéneuse. Et nous le connaissons bien. A travers l'humiliation pseudo-fictionnelle imposée à une élue "décoloniale", ce terreau, c'est le discours multiforme de réhabilitation de la colonisation.

Ce discours, Valeurs Actuelles n'en a pas le monopole dans le champ médiatique. Plusieurs médias chantent chaque matin la même ritournelle. Et il se superpose -sans toujours se confondre- avec le thème cousin de l'islamophobie, dans un continuum que l'on pourrait désigner sous le nom générique de zemmourisation. Ce qui a amené Jean-Luc Mélenchon, dans son premier tweet de condamnation, à mêler Marianne et Charlie à l'opprobre déversée sur Valeurs Actuelles. La directrice de Marianne, Natacha Polony, est aussitôt montée au créneau, pour défendre son magazine -normal !- sans un mot pour exprimer la répulsion qu'auraient pu lui inspirer le texte et l'image de Valeurs Actuelles -"oubli" significatif, à mes yeuxAussitôt resurgie sur Twitter, la superposition de quelques couvertures de l'un et de l'autre hebdomadaires est pourtant cruelle pour ces dénégations.

 On serait curieux d'entendre Natacha Polony développer, en longueur, avec la subtilité qu'on lui connaît, ce qui la sépare réellement de Valeurs Actuelles.

Tous ensemble, oui, détestons donc l'hebdo multi-condamné. Mais sans oublier que cette unanimité a pour effet de rendre globalement admissible le zemmourisme, dès lors qu'il reste en version soft, c'est à dire soigneusement expurgé de toute jubilation humiliante trop visible. C'est ce qu'on appelle la fenêtre d'Overton, concept plusieurs fois détaillé sur ce site (ici ou ici). Le racisme, oui, mais sans ricanements, s'il vous plaît.  De cette zemmourisation, les chaînes d'info sont aujourd'hui l'épicentre. Et pas seulement la chaîne Bolloré CNews, l'original. Ce n'est pas une chaîne Bolloré qui vient d'embaucher comme chroniqueur un ex-conseiller de Marion Maréchal-Le Pen, c'est LCI.

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