La main de Dieu dans la nécro de Maradona

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 113 commentaires

Traitez-moi de ce que vous voudrez, je découvre ce matin l'épisode de la "main de Dieu". Pour résumer, en 1986, un joueur de foot argentin marque un but d'une main contre l'Angleterre, l'arbitre ne le voit pas, le but est déclaré valable. Mais le joueur s'appelle Diego Maradona, et il est déjà Dieu. Alors cette main n'est pas une simple main. C'est la "main de Dieu". C'est un cadeau de Dieu (le vrai). C'est un signe anti-Thatcher (qui vient, quatre ans plus tôt, de gagner la guerre des Malouines contre l'Argentine). C'est la naissance d'un culte, la triche est miraculeuse, le mal est le bien, la vérité est le mensonge, et tout est dans tout. Et la coke, la Maffia, les putes, tout vient nourrir le culte. Révérence obligatoire : la presse mondiale, ce matin comme en 1986, c'est Diana devant la Reine.


Je lis la nécro de Maradona par mon collègue et quasi-homonyme Grégory Schneider dans Libé. Je renonce à vous la résumer. Commenter un match de Maradona, ou rédiger la nécrologie de Maradona, ressortent au fond de la même expérience vaudou. C'est l'instant où le commentaire journalistique, par essence professionnel et factuel, à la limite du pisse-froid, doit oublier tout ce qu'il a appris à l'école. C'est l'instant, cerveau laissé au vestiaire, de supplier d'être emporté par la transe. C'est l'instant d'abandonner la plume au couple folie et magie, en priant pour que le mariage soit consommé. Et commenter en méta-journalisme une nécro de Maradona est un exercice aussi impossible que décrire en scientifique un dribble de Maradona.

C'est un secret depuis longtemps éventé, que les frigos des médias regorgent de nécrologies préparées d'avance. Celles de Maradona étaient prêtes depuis longtemps, et l'une avait même été publiée par erreur, en 2009, sur le site de L'Équipe. L'autre semaine, oups !, RFI a d'ailleurs mis en ligne accidentellement les nécrologies de plusieurs éminentes personnalités françaises et mondiales, de Jean-Paul Belmondo à Noam Chomsky, en passant par Raul Castro (mais pas Maradona).


Je veux croire que la nécro de Maradona dans Libé était prête d'avance, et qu'elle n'attendait plus, au frigo, que les traditionnelles actualisations du premier paragraphe (lieu, date, circonstances). Sinon, il faut bien décréter que Grégory Schneider ressort d'une division extra-terrestre. Dans les deux cas, elle a été écrite, elle aussi, par la main de Dieu.

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