Justice : Dupond contre Moretti

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 66 commentaires

Au matinaute qui découvre au réveil les videos virales de la veille, il n'est pas souvent offert d'occasions de se réjouir. Raison de plus de ne pas les laisser passer. Ainsi cette réponse d'Éric Dupond-Moretti à une question du RN, à l'Assemblée, sur l'automaticité des peines de détention provisoire.

Elle s'adresse au Rassemblement national, mais pourrait tout aussi bien s'adresser à son collègue Darmanin, malencontreusement absent à ce moment (il avait manif ?)

Hélas, ces joies sont brèves. À peine le temps de savourer l'éloquence du ministre que je découvre dans Le Monde qu'un certain Moretti-Dupond a aussi introduit un amendement de dernière minute à son projet de loi sur la justice, amendement  abrogeant le "rappel à la loi". Ce "rappel à la loi" permet à un juge de dispenser de peine le coupable d'un délit léger. Son abrogation était demandée par les syndicats de policiers, qui y voient le symbole d'un insupportable laxisme judiciaire. Pourquoi pas ? Sauf que ce rappel à la loi était justement en cours d'évaluation, en vue justement de son remplacement éventuel. Par quoi ? Personne n'a encore trouvé. Mais supprimons, supprimons. Il faut lâcher quelques cacahuètes aux syndicats de police. Sauf que ce "rappel à la loi", en 1999, est venu combler le vide judiciaire du classement sans suite "d'opportunité". Autrement dit : "Monsieur, Madame, oui vous avez fait une bêtise, mais on ne va pas encombrer avec cette bêtise une justice surchargée. Nous vous relâchons donc". La justice étant toujours aussi surchargée, on reviendra donc au classement sans suite, que l'on appellera bien entendu autrement. Ce sera un grand progrès.

À propos d'Olivier Faure, premier secrétaire du PS, et de son "droit de regard" de la police sur l'exécution des peines, dont je vous parlais hier. Il a reculé , parlant "d'expression malheureuse". Dont acte ? A tout péché miséricorde. Sauf qu'on apprend ce matin dans Le Monde qu'il ne s'agissait pas d'une improvisation faurienne dans la chaleur communicative d'une manifestation avec Zemmour et de Villiers. Si je comprends bien, le bureau politique du PS, au cours d'une visio préalable avec les syndicats de police, avait approuvé le principe du "droit de regard", notamment sous l'influence de David Habib, député des Pyrénées-Atlantiques, secrétaire national à la sécurité du PS, soutien de Manuel Valls, et injustement méconnu :  j'apprends aussi à l'occasion qu'il est un des trois députés socialistes à avoir voté la confiance au gouvernement Philippe 2, et qu'il avait naguère été signataire d'une lettre demandant à Nicolas Sarkozy de ne pas reconnaître un État palestinien. À la faveur d'une "expression malheureuse", on en apprend, des choses !


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