Indignados, loin des radars

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 64 commentaires

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Deux mouvements sociaux, loin des radars, si j'ose dire.

En ce glorieux mardi, les "indignados" espagnols ont conquis à la fois leur droit à la Une de Libé et à la chronique de Thomas Legrand sur France Inter. Ils occupent à Madrid la Puerta del Sol depuis le 15 mai. Neuf jours, c'est beaucoup, pour traverser les Pyrénées (cela doit être un peu plus long qu'un voyage Madrid Paris à l'époque des diligences), alors que les références familières, auxquelles raccrocher à bon ou mauvais escient ce mouvement social, ne manquent pourtant pas: ce nom d'Indignados, généreusement offert par Stéphane Hessel aux jeunes Espagnols, ou la comparaison avec "les révolutions arabes", pouvaient fournir des accroches de reportages tout à fait acceptables.

De même, le mouvement épistolaire de protestation contre le projet gouvernemental de suppression des panneaux avertissant de la présence des radars routiers, n'a conquis qu'aujourd'hui sa place au micro matinal de Pascale Clark, par l'entremise d'un député UMP des Bouches du Rhône, manifestement impressionné par cet honneur insigne. La décision gouvernementale date pourtant du 11 mai, et les réactions ont dû être immédiates. Mais il a fallu attendre un embryon de structuration politique (la protestation publique de 73 députés UMP contre le projet) pour que cette réaction d'une partie de l'électorat de droite arrive aux oreilles du journaliste parisien moyen.

Quel point commun entre ces deux mouvements sociaux ? A priori aucun. L'un s'enracine (plutôt) à gauche et à l'extrême-gauche, mais a l'inconvénient de se situer à l'étranger. L'autre surgit des terroirs français, prenant sa source dans les insondables profondeurs réactionnaires d'un peuple qui refuse de plier sa liberté individuelle d'appuyer sur le champignon à une discipline commune. Aucun point commun, sauf celui-ci: ni l'un ni l'autre de ces deux mouvements ne sont portés par des corps intermédiaires (partis, syndicats, associations) connus des rédactions, et entretenant avec elles des rapports réguliers. De la même manière, les journalistes que nous interrogions la semaine dernière sur la sous-médiatisation des délits d'agressions sexuelles commis par des élus, en reportaient la responsabilité sur les associations féministes, qui n 'auraient pas joué leur rôle d'alerte. Le caractère relativement tardif du surgissement de ces deux mouvements dans le champ de vision médiatique confirme cette cartographie des points aveugles du système: hors des partis et des associations existants, rien n'existe.

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