Hidalgo : Paty en otage

Daniel Schneidermann - - Coups de com' - Le matinaute - 72 commentaires

L'entretien ne se déroule ni dans les studios de BFM TV, ni dans le bureau de la maire de Paris Anne Hidalgo, mais dans une exposition "Le rire de Cabu" à l'Hôtel de Ville de Paris, expo malencontreusement fermée pour cause de confinement. Comme ça, "elle va être vue par plein de gens", dit Anne Hidalgo à Ruth Elkrief. Non, on n'en verra rien, mais dès les premiers instants, se dessine en revanche cette étrange opération Hidalgo-Elkrief :  récupérer Hidalgo dans le camp "républicain", celui des valeurs de la "République", aux antipodes du "relativisme culturel" (une dizaine d'occurrences de ces totems dans toute l'émission, sans que l'on précise jamais de quoi il s'agit exactement). Ce n'est pas le dessinateur Cabu, qui intéresse Hidalgo et Elkrief. C'est le  martyr du terrorisme islamiste. Hidalgo, dans une seule phrase : "Cabu, c'est quelqu'un qui était très visionnaire parce que très libre, qui est mort, les attentats de 2015 ont marqué durablement notre ville, notre pays..." Et cette maire, qui s'accapare ainsi le Grand Duduche, n'est pas elle-même n'importe qui : fille de réfugiés anti-franquistes espagnols, réfugiés arrivés en France dans l'enthousiasme, sans les "réserves" d'autres migrants, suivez mon regard, et aussi lectrice de "Charlie, Hara-Kiri et Fluide glacial" dans son adolescence. 

Et c'est donc à cette immigrée républicaine d'un irréprochable pedigree de gauche, ("et en plus je suis une femme, très attachée à l'égalité hommes-femmes") que Elkrief peut lancer sa sommation : "J'ai une question de fond. Comment vous allez faire avec les Verts ? Comment vous pouvez être d'accord avec eux ? Je vous donne trois exemples". Elle consulte ses notes. "Julien Bayou à la manifestation du CICF le 10 novembre, le fameux conseil, euh, islamique" (il  faudra revoir les notes, il s'agit en réalité d'une manifestation appelée par le Collectif contre l'islamophobie en France, le CCIF, qui vient de recevoir une notification de procédure de dissolution, voir notre enquête ici), David Belliard "co-listier vert, aux côtés d'Assa Traoré qui dénonce un État raciste et racisé", ou Alice Coffin ''différentialiste, féministe, qui est... qui est différentialiste" (élue EELV qui a poussé Hidalgo à se séparer de son adjoint à la Culture Christophe Girard, visé par une enquête préliminaire pour viol, voir notre émission ici). "Comment vous pouvez rester alliée avec eux, c'est un caillou dans la chaussure !"

C'est dans une réponse à cette sommation que se situent les appels de Hidalgo à ses alliés EELV pour une "clarification des rapports avec la République", et "un peu pour les mêmes raisons", son refus de se reconnaître dans une candidature Mélenchon. Dans ce contexte aussi, le pauvre petit mensonge de l'abstention des élus EELV au Conseil de Paris sur l'attribution d'une rue ou d'une place parisienne à Samuel Paty (lire notre enquête)

Au-delà de ce mensonge, quel est donc le calcul de Hidalgo ? Pourquoi aujourd'hui canarder ses alliés ?  De calcul plausible, on n'en voit qu'un. Maintenant que j'ai dans la poche, pour la présidentielle de 2022, les bobos à Vélib, complétons donc la moisson du côté des vallso-lepénistes récupérables. Sans oublier, pour faire bon poids, Sarkozy : "On n'a pas les mêmes idées, mais j'aime bien les personnes qui sont authentiques, que vous rencontrez vraiment"Pourquoi pas ? L'arithmétique électorale a ses raisons que la morale ignore. Quant à la perpétuation de la mémoire de Samuel Paty, elle rencontrera un assentiment quasi-unanime. Mais quelle tristesse, d'assister au lancement d'une campagne par la calomnie envers ses partenaires !  Tristesse surtout, de voir Samuel Paty pris en otage, après Cabu,  par un sale petit mensonge ! De grâce, Anne Hidalgo, ne nous faites pas désaimer Cabu ! De grâce, ne prenez pas Samuel Paty en otage !

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