Guéant : une défense sur BFMTV

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 60 commentaires

Coup de tonnerre lundi matin : Claude Guéant est incarcéré à la Santé. Voilà Bruce Toussaint (BFMTV) obligé de gérer l'info, au milieu d'une conférence de presse, diffusée en direct, de la procureure de Mulhouse sur le viol reproché au champion de natation Yannick Agnel. Pourquoi l'ancien secrétaire général de l'Élysée sous Sarkozy est-il incarcéré ? Parce qu'il ne paye pas assez vite l'amende et les dommages et intérêts auxquels il a été condamné (180 000 euros), après l'affaire des "primes en liquide" (alors directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur Sarkozy, il avait pioché dans des enveloppes de liquide destinées aux "frais d'enquête des policiers").

Premier (et seul) invité de Toussaint, en duplex, l'avocat de Guéant, Philippe Bouchez-El Ghozi, explique que le condamné paye aussi vite qu'il peut, 3000 euros par mois, ce qui ne lui laisse qu'une retraite "de 1622 euros mensuels" (apprécions la remarquable précision : Guéant est à l'euro près). Aucune question de Toussaint. Par ailleurs, ajoute l'avocat, "c'est quelqu'un qui est dans une situation médicale extrêmement fragilisée..." Alors Toussaint : "Vous pouvez nous donner des informations sur son état de santé ?"

Premier réflexe de Bruce Toussaint : informer complètement les téléspectateurs, non pas sur les reproches de mauvaise foi formulés par la justice à Guéant, mais sur son état de santé. Très vite, il est rejoint sur le plateau par le chef du service politique, Philippe Corbé, qui retrace longuement le parcours politique de l'incarcéré, son omniprésence auprès de Sarkozy, à l'Intérieur et à l'Élysée, son surnom de cardinal, etc. 

Plus tard dans la matinée, un spécialiste judiciaire de la chaîne, Vincent Vantighem, expliquera brièvement "qu'il y a de vraies questions sur les ressources dont il dispose". Ah ? Ces "vraies questions" sont détaillées dans une enquête de Mediapart, publiée le 2 décembre. Dans laquelle on apprend que Guéant n'a pas effectué spontanément, mais sous contrainte, les remboursements mensuels de 3000 euros ; que dans la même période il a revendu une montre de 6100 euros, offerte par l'intermédiaire Alexandre Djouhri ; qu'il a revendu une pièce d'or d'une valeur de 40 000 euros, offerte par un sénateur russe ; qu'il a racheté en partie une assurance-vie de 130 000 euros. Etc. Soyons juste : l'or, la montre, et l'assurance-vie, sont brièvement mentionnés (sans les montants) par le spécialiste justice, qui a lu Mediapart. 

BFMTV aurait pu choisir d'inviter un journaliste de Mediapart, plutôt que l'avocat de Guéant. Ils auraient pu aussi inviter les deux. Sans doute, dans le feu du direct, n'est-ce pas un choix stratégique, mais un simple réflexe, qui en dit long néanmoins : comme d'habitude pour les puissants, sous les misères physiques et psychologiques, sous l'épopée du personnage politique, le délinquant passe à la trappe.

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