Et le nombril devint séparatiste

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 124 commentaires

Donc voilées, ça ne va pas. Mais trop dévoilées, non plus. Et ainsi, en cette rentrée Covid, se tricote au fil des jours, gaffe à l'endroit, lapsus à l'envers, un débat parallèle sur la définition de la vêture"républicaine" des lycéennes et des collégiennes. 

Rembobinons. L'origine du mouvement #lundi14septembre se perd dans la nuit de Tiktok. Pour cause de couverture insuffisante de l'anatomie, des collégiennes et lycéennes auraient été envoyées se rhabiller par l'administration de leurs établissements (terrain archéologique ouvert aux fouilles sur #balancetonprof). 

Où commence le trop court ? Où s'arrête le trop long ? C'est dans une rue de Condom (Gers) que l'on situe la première trace repérable du débat devant une caméra de BFM.  Interrogé impromptu par un lycéen, Emmanuel Macron refuse d'abord de s'en mêler ("aie aie aie, vous voulez m'emmener sur tous les sujets"), mais en même temps, s'en mêle quand même, faisant appel au "bon sens"


Oui à l'expression de la féminité, mais "si on ne garde pas quelques codes, on sait jamais où ça s'arrête". D'ailleurs, "on est tous passés par là, et j'ai pas le sentiment que ça nous ait enlevé quelque liberté" répond le président au lycéen. Tiens donc. Tous ? Mais par où le jeune Manu est-il lui-même passé ? A-t-il dû imposer l'exhibition de son nombril ? Comment a-t-il sauvegardé cette liberté précieuse ? C'est fou, cette propension des hommes à disserter le sujet, sans se souvenir qu'ils sont...des hommes. Sans parler de l'éviction d'une dimension importante du débat : les températures caniculaires, lesquelles incitent plutôt au trop court qu'au trop long.

Le gouvernement pourrait en rester à ce prudent "bon sens" macronien, aussi indéfinissable que le macronisme en général. Mais l'affaire fait exploser la fragile fiction macronienne. Si deux femmes ministres, Marlène Schiappa et Elisabeth Moreno, prennent la défense des dévoilées, l'homme ministre Jean-Michel Blanquer, interrogé à son tour, préconise radicalement une tenue "républicaine". Sarcasmes immédiats de la gazouillosphère enseignante. Et jonction à hauts risques avec une autre controverse théologico-textile : le voile.  "Républicaine" : en cette rentrée où le gouvernement a choisi de mettre en scène l'opposition républicains / séparatistes, l'adjectif pourrait laisser penser que les nombrils dévoilés ne sont pas républicains. Autant dire que le nombril est séparatiste, l'épaule communautaire, voire le décolleté décolonial.  Il va sans dire qu'on attend avec impatience la position de Valeurs Actuelles et d'Eric Zemmour.

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