"Et la retraite à 60 ans, on la met dans le programme ?"

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 205 commentaires

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Et si on revenait, de temps en temps, à l'essentiel : vit-on pour travailler, ou travaille-t-on pour vivre ?


Belle question, non ? Question intéressante, ne vous semble-t-il pas, pour des politiques ! On imagine que tous ceux qui légifèrent sur le temps de travail, le travail le dimanche, l'âge de la retraite, le stress au travail, on imagine qu'ils y ont réfléchi, à cette sacrée question du travail. Qu'ils en ont débattu. Intensément. Qu'ils ont trouvé la réponse, leur réponse, une réponse, à cette question qui conditionne tout de même un certain nombre de décisions politiques.

On imagine. L'autre jour, avant le tournage de notre émission D@ns le texte, je discutais avec un de nos invités, Gérard Filoche, dirigeant du PS. Et il me racontait comment la retraite à 60 ans s'est retrouvée dans le programme présidentiel de Ségolène Royal, en 2007. Oubli ou embarras ? Il a fallu attendre le tout dernier moment. Alors que le programme était donc quasi-bouclé, Filoche pose un jour la question : "et la retraite à 60 ans, on la met dans le programme ?" Hollande et Emmanuelli grommellent quelque chose. Aucune réponse nette. "On met la synthèse" suggère Hollande (comprenez : on recopie dans le programme ce qui a été décidé dans l'accord de synthèse du congrès précédent). Pas de chance : on s'aperçoit que le rapport de synthèse du congrès précédent a, lui aussi, évité la question. Parce qu'il faut bien conclure quelque chose, sous pression de Filoche, on glisse donc la retraite à 60 ans dans le programme de la candidate. Et après la réunion, au buffet, Hollande s'approche de Filoche et lui sussurre à l'oreille : "tu nous as sauvés de la retraite à la carte". Et aujourd'hui ? Aujourd'hui, c'est encore mieux, ou pire. La "gaffe" de Martine Aubry, admettant de manière ambigüe, au micro de RTL, qu'on "doit aller, qu'on va aller très certainement vers 61 ou 62 ans", a ressoudé tout l'état major du PS sur la position, désormais inattaquable, de la retraite à 60 ans.

Ce qui précède n'est que la version de Gérard Filoche. Le jour où l'on enquêtera sur les débats de fond, au terme desquels le PS a déterminé sa position sur les retraites, il faudra évidemment la compléter. Peut-être découvrira-t-on les minutes de réunions argumentées, animées, passionnées, revenant à cet essentiel : vit-on pour travailler, ou travaille-t-on pour vivre ? En attendant, regardez notre émission.

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