Et la finance tordit le bras de Macron

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 46 commentaires

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Vous l'avez vue partout, la poignée de mains entre Macron et Trump, au sommet de l'OTAN.

Virile, rude, franche, tout le dictionnaire des synonymes y est passé. Elle a été montrée sous toutes les phalanges, au ralenti, en plans fixes, avec indications de visionnage : regardez bien comment c'est Trump, pris à son jeu, terrassé, qui tente de dégager sa main de la terrible poigne En Marche, une première fois sans succès, puis une seconde fois. Ah il est fort, le Français, plus fort que le Japonais, et tous ceux qui se sont laissés prendre. Entrée en scène réussie pour le gamin, qui a dominé le septuagénaire et, charme aidant, mis aussi Juncker dans sa poche.

Pourquoi pas ? C'est important, le body langage, et l'image qui se dégage d'une rencontre internationale pénètre les consciences, Embrassades, bousculades, bouderies, durée des déjeuners, des retards, des poignées de main : tout est disséqué, tout fait sens. Et "la" poignée de mains pénétrera d'autant mieux les consciences etazuniennes que la presse anglo-saxonne, en guerre contre Trump, lui a donné toute la publicité nécessaire. Bien joué !

Mais comme toujours, il y a ce que montre l'image, et ce qu'elle cache. Ce qu'elle cache, c'est que Trump n'a rien cédé à l'OTAN, répétant ce qu'il répète depuis son élection : les Etats-Unis paient trop, et les autres pas assez. Ce qu'elle cache, c'est que si le Français a été bien accueilli à l'UE, c'est parce qu'il a confirmé la teneur de sa feuille de route : appliquer rigoureusement les réformes demandées par l'Allemagne, avant toute discussion sérieuse. C'est aussi (et aucun media français, ou presque, ne l'a remarqué) parce qu'un des premiers gestes du gouvernement Macron-Le Maire a été de demander le report d'une réunion, prévue le 22 mai en marge de l'Eurogroupe, qui devait permettre de finaliser un accord, en souffrance depuis trois ans, entre onze pays européens sur la taxe sur les transactions financières européennes (nous le racontons ici). Depuis trois ans, tous les prétextes sont bons pour retarder l'accord. Il est trop ambitieux, ou pas assez. Il faut attendre les élections ici, ou les élections là. Aujourd'hui, le Brexit fournit un prétexte en or à la demande française : alors que "lafinance", fuyant la City, va certainement se précipiter à Paris ou à Francfort, on ne va pas la décourager en la surtaxant ! En attendant, c'est la finance, qui a tordu le bras de Macron.

"La" poignée de mains (New York Times)

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