Ecocide aux antipodes

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 86 commentaires

Depuis près d'une semaine, pour sortir de chez eux, tous les habitants de Sydney doivent porter des masques. Toute activité de plein air est fortement déconseillée. La ville est noyée sous les fumées des incendies proches, qui ont déjà emporté un million et demi d'hectares de forêts dans le Sud australien. Peu de chances que ça s'arrête bientôt : le thermomètre reste bloqué à 40°C. Et aux antipodes comme sur notre vieux continent, relatait ce matin l'excellente revue de presse internationale de Camille Magnard, sur France Culture, se déroulent (la tête en bas évidemment) les mêmes débats. L'autorité scientifique locale multi-interviewée s'appelle David Bowman. Il se définit comme "pyrogéographe". A la question du magazine Science"Quel est le rôle du changement climatique ?" il répond prudemment : "Il serait difficile de dire que le changement climatique ne joue pas de rôle. Nous n'aurions pu imaginer l'échelle de l'événement avant qu'il survienne".

Face aux scientifiques, là-bas comme ici, gouverne un chef de gouvernement, Scott Morrison, qui assure "qu'il n'y a pas de preuve sérieuse qu'une réduction des émissions de CO2 australiennes réduirait la sévérité des incendies", l'Australie ne représentant, explique-t-il, "que 1,3% des émissions mondiales". Ce climatoscepticisme est d'ailleurs partagé au gouvernement australien. En septembre dernier, le ministre australien de la sécheresse et des catastrophes naturelles, David Littleproud, avait estimé, dans une déclaration écrite au Guardian, qu'il "ne savait pas si le changement climatique était d'origine humaine". Quelques jours plus tard, il faisait pourtant volte face au Parlement : "Je ne suis qu'un humble pauvre type qui a arrêté en 1ère, mais j'accepte ce que nous disent les scientifiques". Comme quoi, il n'est pas besoin de s'appeler Bolsonaro, pour être un criminel contre le climat.

Je parle de crime contre le climat. Je pourrais parler d'écocide. Je ne serais pas le premier. Le terme a été employé, ces tout derniers jours, par un ecclésiastique argentin nommé Jorge Bergoglio (plus connu mondialement sous le nom de pape François). Recevant le 15 novembre les membres de l'Association internationale de droit pénal, François a estimé nécessaire "d'introduire dans le catéchisme de l’Église catholique le péché contre l’écologie, contre la Maison commune, parce que c’est un devoir". Il a qualifié d’"écocide ", ce crime de "contamination massive de l’air, des ressources de la terre et de l’eau, la destruction à grande échelle de la flore et de la faune, et toute action capable de produire un désastre écologique ou de détruire un écosystème". Vous ne le saviez pas ? Vous ne l'avez lu nulle part ? Normal. Aujourd'hui encore, six jours plus tard, si j'en crois Google, le site Reporterre est le seul à avoir repris cette déclaration anodine de l'obscur ecclésiastique argentin.

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