Du bon usage de Ruffin par les medias (et vice-versa)
Daniel Schneidermann - - Silences & censures - Le matinaute - 99 commentaires Télécharger la videoTélécharger la version audio
Deux dommages collatéraux de l'explosion en chaîne Ruffin, dans la journée d'hier.
Premier effet : les copains insoumis sont bien embarrassés par le sacrifice financier du nouveau député de la Somme, qui a annoncé qu'il se paierait au smic. Dès le matin, sur RTL, Elizabeth Martichoux -c'est de bonne guerre- titille Alexis Corbière, autre député insoumis : "alors, vous aussi, vous allez vous payer au smic ?" Embarras de l'invité, qui bafouille que Ruffin a bien d'autres sources de revenus (lesquelles ?) On n'a pas fini de rire. Plus un (e) député (e) insoumis (e) ne pourra se pointer devant un micro, sans que le porteur de micro tente une investigation en direct sur les revenus occultes du Fakirien en chef. Et ce sera de bonne guerre (à condition néanmoins que la même question soit aussi posée à tous les députés, et pas seulement à ceux de la France insoumise). Quant à Ruffin lui-même, quel régal de le voir désormais se débattre dans sa folle promesse. Il peut être assuré que chaque reprise de chaque interview radio portera sur le sujet. Ce mardi matin, il est au micro de Bourdin. Bourdin : "mais vous allez payer des impôts sur la totalité de votre salaire !" Ruffin : ce sera le smic "après impôt". On progresse.
Second effet : le nouveau député de la Somme a déjà réussi à mettre à feu et à sang deux rédactions de la presse Arnault, celle des Echos, et celle du Parisien. Un rédacteur en chef des Echos censure, dans une chronique, une phrase dans laquelle est simplement mentionné le nom de Ruffin. A l'occasion de quoi, l'on apprend qu'une vidéo sur le même Ruffin a été supprimée par le directeur de la rédaction du Parisien, Stéphane Albouy. Dans les deux journaux, les rédactions ont vivement protesté. Au rédacteur en chef (anonyme) des Echos, et à Stéphane Albouy, directeur de la rédaction du Parisien, la future dictature ruffinienne devra élever des statues. La propagande patronale, c'est sa caractéristique, est généralement indécelable. C'est une propagande de novlangue et de belles formules. Elle se camoufle sous les chiffres et les répétitions d'évidences. Bref, c'est davantage une propagande de "cause toujours", qu'une propagande de "ferme ta gueule". Ruffin la met en évidence. Bravo.
Deux dommages collatéraux, donc. L'un embarrasse un groupe parlementaire de 17 députés. L'autre souligne les effets de la domination de la totalité de la presse française par un groupe d'une dizaine d'hommes d'affaires. Auquel des deux, le 20 Heures de France 2 consacre-t-il un sujet ? Je vous laisse deviner.