Deux amoureux, la guerre, l'océan, et France 2

Daniel Schneidermann - - Médias traditionnels - Le matinaute - 35 commentaires

"C'est l'histoire de deux êtres qui ne se sont jamais oubliés. Deux amoureux réunis dans la guerre puis séparés par un océan". Les amoureux,  la guerre, l'océan : tout est en place pour le reportage du 20 Heures de France 2 qui va "tous" nous faire pleurer, assure Anne-Sophie Lapix. Il ne manque que les discrètes notes de piano, d'ailleurs les voici.  Préparez les mouchoirs.

Et si l'incipit n'est pas assez clair, les gros plans sont là.

Résumons. Kara Troy Robbins vit dans le Mississipi, où France 2, en toute innocence, préparait un reportage sur lui.  Au cours du reportage, France 2 apprend que Kara Troy, à l'automne 1944, a croisé (et peut-être davantage, on ne saura pas) une jeune Lorraine, Jeannine Ganaye. Et c'est parti pour l'éphémère résurrection de la regrettée émission Perdu de vue. KT croit partir sur les traces d'une amourette évanouie. C'est seulement dans le TGV pour Metz, que la journaliste de France 2, Maryse Burgot, lui annonce que Jeannine est vivante. Et pour qu'on comprenne bien que Maryse Burgot va l'annoncer, Maryse Burgot précise qu'elle l'annonce. "Dans le train, en route vers Metz, nous l'annonçons à KT Robbins". Donc, annonce :  "She is alive. And she is waiting for you." KT, comme de juste : "No kidding" : c'est une blague ! Ellipse. Arrivée à la maison de retraite. La caméra est pré-postée près de Jeannine. "Plus que quelques pas dans ce couloir, et il la serre dans ses bras"Burgot : "Tous les deux sont veufs. Assis tout près l'un de l'autre, ils vont à nouveau se parler d'amour". Etc etc. Longue ellipse sur la journée, puis : "C'est l'heure de se séparer. De longues minutes de tendresse mêlées de larmes." Enfin KT pleure. Un tel reportage sans larmes, ce ne serait pas un reportage pour le 20 Heures de France 2. 

Voici quelques semaines, sur notre plateau, la journaliste de France 2 Astrid Mezmorian racontait comment les reportages du 20 Heures sont pré-scénarisés, rédigés dans les moindres détails avant tournage, le tournage ne servant qu'à mettre en images le scénario. C'est incontestablement ce que le 20 Heures fait de mieux : raconter de belles histoires, en détachant bien chaque syllabe, pour venir cueillir les nonagénaires en devenir que nous sommes tous.

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