De Mélenchon, et du complotisme

Daniel Schneidermann - - Complotismes - Le matinaute - 349 commentaires

Voici encore quelques semaines, chacun, hors d'Occitanie, pouvait légitimement ignorer l'existence de Carole Delga. La présidente socialiste de la Région ayant été triomphalement réélue (avec les suffrages de près d'un électeur inscrit sur quatre au second tour, ce qui constitue, en effet, un exploit dans les dernières élections), la voici promue, au même titre qu'une demi-douzaine de sauveurs de la droite, sauveuse potentielle de la gauche pour 2022. Et à ce titre, invitée des émissions nationales. Et donc obligée de se prononcer sur les grands sujets de l'heure, à commencer par le cas Mélenchon. Surprise : "La présidente la mieux élue de France métropolitaine" estime que Mélenchon "n'est plus de gauche. Quand on est de gauche, on ne peut pas accréditer les thèses du complotisme".

Comme beaucoup, je trouve à Mélenchon énormément de défauts personnels. Prenons sa tirade du 6 juin, dans l'émission Questions politiques, qui sert depuis à lui coller cette étiquette complotiste. "Vous verrez que dans la dernière semaine de la campagne présidentielle nous aurons un grave incident, ou un meurtre. Ça a été Merah en 2012 (...) Avant on avait eu papy Voise, dont plus personne n’a jamais entendu parler après. Tout ça, c’est écrit d’avance. Nous aurons le petit personnage sorti du chapeau, nous aurons l’événement gravissime qui va une fois de plus permettre de montrer du doigt les musulmans et d’inventer une guerre civile. C’est bateau tout ça."

C'est très mal formulé. La tuerie de Mohammed Merah (sept morts dont trois enfants juifs à Montauban et Toulouse en 2012) n'a rien à voir avec l'emballement provoqué par le tabassage non élucidé d'un vieillard dans les dernières heures de la campagne de 2002. Mais l'emballement médiatique "papy Voise" est une réalité. De même, est-ce complotiste de prédire que l'extrême droitisation bolloréenne actuelle de l'audiovisuel est calibrée pour accoucher du même type d'emballements, à quelques jours, quelques semaines, d'un scrutin présidentiel ? Je n'ai aucun mérite à le prédire : elle en produit un par jour.

Mais Mélenchon est aussi le seul candidat, à ce jour, capable d'aborder successivement dans une conférence de presse la question de l'eau et celle du patriarcat, dans un spectaculaire survol de Christine de Pizan au croptop. Il est le seul à avoir impeccablement réagi aux débordements militaires et policiers du printemps. Bref, je ne sais pas encore ce que je voterai en 2022. C'est loin, 2022. Mais une certitude se cristallise :  je ne voterai pas pour un (e) candidat (e) qui aura passé le plus clair de sa campagne à cracher sur Mélenchon.


Lire sur arretsurimages.net.