Confinement : 70 millions de cancres
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 138 commentaires
Pour les promenades, ce sera donc 20 kilomètres. Pourquoi 20 ? Pourquoi pas 10, ou 30 ? Et pour les célébrations religieuses (que TF1 traduit plus simplement par "messes", pourquoi s'embarrasser de détails ?) ce sera 30 fidèles à la fois, pas davantage. Pourquoi 30 ? Pourquoi pas 20 ou 40 ? Il y a certainement des raisons, au plan "d'allègement progressif des contraintes" présenté hier soir par Emmanuel Macron. Excellentes. Scientifiques. Élaborées en Conseil scientifique, ratifiées entre galonnés du Conseil de défense, et passées au dernier filtre du cerveau fertile présidentiel. Mais on ne les connaîtra pas. On n'est pas assez grands. Faisons confiance au président.
Il fallait nous voir, hier soir, 20 heures pétantes, attendant que tombent les chiffres qui formeront, pour les prochaines semaines, le cadre de nos vies. Voilà ce que nous sommes devenus : 70 millions de cancres qui attendent à 20 heures pétantes, sur un banc dans le couloir du lycée, que tombe le verdict du conseil de discipline. Et vlan ! Punition collective. Fallait y penser avant. Avant de faire les fous-fous sur les plages cet été. Mais rassurez-vous : il ne dépend que de vous que la punition soit allégée. Et d'ailleurs, pour le 24 et le 31, on vous octroie une perm'.
Pourrait-on imaginer un autre système de gestion de la pandémie, que de confier le réglage des curseurs à un seul cerveau génial ? Je ne fais pas ici de démagogie facile. Imagine-t-on les restaurateurs, les évêques, les profs, les rabbins, les imams, les patrons de clubs de sport, les patrons de libraires, les libraires salariés, les actionnaires de la grande distribution, les petits patrons de boîtes de nuit, les comédiens, les soignants, les fanas du télétravail, les déprimés du télétravail, s'accorder harmonieusement sur des préconisations sanitaires ? Que l'État prenne ses responsabilités, n'est pas en soi une hérésie, il est là pour ça. Que ses décisions comportent une part d'incohérences, dans un corps économique et social si complexe, est inévitable, et je ne partage pas la raillerie libérale montante sur l'Absurdistan. Mais que fait l'État pour s'enrichir d'une réflexion collective ? Quel signe montre-t-il, d'une tentative de sortir de l'alternative moyen-âgeuse (pardon à nos amis de Actuel Moyen-âge) confinement / déconfinement ?
Depuis plus de six mois maintenant, aucune autorité ne semble se soucier de penser "hors de la boîte" de l'alternative infernale. Et comme souvent, seul Mélenchon, qui a senti le créneau, a dégainé à l'Assemblée quelques propositions, dès le début novembre. Une politique volontariste de télétravail. Un échelonnement des horaires de travail, de cours, donc de transports. Des investissements dans l'hôpital, dans la purification de l'air des établissements scolaires. Bref, attention gros mot, bouchez-vous les oreilles : un plan. Mais on ne va tout de même pas en débattre sur les chaînes d'info !
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