Climat : la vraie-fausse victoire du vrai-faux Nobel
Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 120 commentaires
On craignait le pire pour le climat. On tremblait (de chaud). Heureusement, le Nobel d'économie était là. Plus précisément, le "prix de la Banque de Suède pour l'économie" (puisque ce Nobel-là n'est pas vraiment un Nobel) mais ne chipotons pas. Le vrai-faux Nobel vient au secours de la planète. Pour Sciences et avenir, en la personne de William Nordhaus (co-lauréat avec Paul Romer), la Banque de Suède a couronné "un Nobel pour la protection de l'environnement"
. Pour France 24, un "précurseur de l'économie du climat"
.
Pour résumer, Nordhaus a inventé deux modèles (RICE et DICE, sa version régionalisée) intégrant les coûts des modifications climatiques dans les calculs économiques. Il a fait entrer un peu d'écologie dans le majestueux temple de l'économie. Dit comme ça, son prix est en effet une très heureuse nouvelle, sauf que derrière RICE et DICE, Alternatives Economiques, sous la plume de l'économiste Antonin Pottier a creusé. Et trouvé que les modèles Nordhaus concluent qu'un réchauffement de 3,5 degré en 2100, par rapport à l'ère pré-industrielle, serait optimum. A l'heure où le GIEC alerte le monde sur les conséquences précises de chaque demi-degré supplémentaire.
Comme l'explique Romaric Godin dans Mediapart, citant un chercheur au CNRS, Antoine Missemer, "Nordhaus a longtemps mis de côté certains éléments qui aujourd’hui sont
« au cœur de la pensée de la communauté des chercheurs sur le changement climatique »
, comme les notions d’irréversibilité et d’effet de seuil. Si Nordhaus a été un des premiers à discuter avec les autres sciences sur cette question, il a conservé la centralité de l’économie. Or, désormais, cette centralité pose problème face à la complexité des dynamiques naturelles".
Conclusion de Pottier, dans Alter Eco : "Oui vous avez bien lu : quand on est économiste, on peut aujourd’hui proposer sans rire un réchauffement optimal de 3,5°C et être récompensé pour les travaux qui l’affirment ! "
végétalisation et résilience
Quelques jours avant la désignation de ce vrai-faux Nobel, je lisais dans la revue Usbek & Rica, une longue et passionnante enquête sur l'action du "haut responsable de la résilience" de la mairie de Paris, Sebastien Maire. Car il existe bien, à la mairie de Paris, un "haut responsable à la résilience", notamment chargé de faire en sorte que les inévitables canicules prochaines soient supportables pour les écoliers parisiens, en végétalisant les cours de récréation (parmi bien d'autres actions, je ne veux pas caricaturer, lisez vous-même, l'article est en accès libre).
La concomittance de ces deux nouvelles laisse un étrange arrière-goût de résignation inavouée. Comme si derrière les gesticulations guerrières dans la bataille du demi-degré, la défaite était déjà actée, et se bétonnaient les positions de repli stratégique (végétalisées, ça va de soi). Positions qui tiendront ce que tiennent toutes les positions de repli.