Pédagogie du demi-degré

Daniel Schneidermann - - Pédagogie & éducation - Le matinaute - 44 commentaires

Cette fois on sait. Enfin non. On savait déjà. On sait plus précisément. On sait ce que signifie un demi degré supplémentaire de réchauffement. Le GIEC, cette fois, a mis les mots sur ce demi-degré, qui sépare un réchauffement de 1,5 degré, d'un réchauffement de 2 degrés. Dix centimètres en plus ou en moins dans la hausse du niveau des mers, dix millions de personnes en plus ou en moins exposées à ce risque,  deux fois plus d'animaux vertébrés, trois fois plus d'insectes, deux fois plus de plantes, qui perdront plus de la moitié de leur aire naturelle de vie : c'est écrit.

Le GIEC a tout essayé. Il a essayé les cris d'alarme. Il a essayé le "il est trop tard". Il a essayé le "il n'est pas tout à fait trop tard". Il tente maintenant la pédagogie du demi-degré. Ils mettent le demi-degré dans les mains des gouvernements et des citoyens. Puisque rien ne marche, tentons ce qui n'a pas été tenté, et qui pourrait marcher.

L'ennemi du GIEC, notre ennemi à tous, c'est le caractère sans précédent de la catastrophe climatique qui nous menace. Paradoxalement, rattacher une menace à un précédent familier est peut-être efficace à court terme, mais démobilisateur à long terme, quand les menaces ne se concrétisent pas. Salvini n'est pas Mussolini. Le candidat d'extrême-droite Bolsonaro, arrivé en tête du premier tour de la présidentielle au Brésil, ne rétablira sans doute pas à l'identique, s'il est élu, la dictature militaire. Même si certains de ses militants en sont nostalgiques, l'Afd allemande n'est pas le parti nazi. La menace qu'ils représentent offre un visage nouveau.

Comment alerter sur une catastrophe sans précédent ? Ce matin, France Culture rend compte de ce rapport du GIEC, juste après l'annonce du podcast Superfail, consacré au livre que je viens de publier, Berlin 1933, sur l'aveuglement des correspondants étrangers, dans les années 30, face à la monstruosité du nazisme, régime sans précédent lui aussi, à l'époque. La radio ne fait aucun enchaînement, n'établit aucun lien apparent entre les deux informations. Il est vrai que médiatiquement parlant, les deux situations semblent à l'opposé : sur le cataclysme écologique en cours, nous sommes aussi surinformés que nos grand parents étaient sous-informés des premières persécutions nazies. Et pourtant, d'un inimaginable à l'autre, l'aveuglement emprunte bien des chemins communs.


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