Catéchisme libéral : les paroles étaient mal traduites

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 88 commentaires

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Il est temps de prendre la défense d'un calomnié illustre.

Plusieurs décennies durant, Dieu a été injustement diffamé. Et pas par n'importe qui : par l'Eglise catholique en personne qui, depuis 1966, avait imposé dans le Notre Père la phrase suivante : "ne nous soumets pas à la tentation". Traduction fautive de l'araméen. Une traduction plus exacte, nous apprend Le Figaro, serait : "ne nous laisse pas entrer en tentation". Comme si Dieu, en effet, pouvait vicieusement soumettre ses ouailles à la tentation. Plusieurs générations de catholiques ont donc injustement soupçonné Dieu de les manipuler. Qui dira de combien de péchés, véniels ou mortels, cette erreur de traduction, introduite comme un poison dans le secret des âmes, fut à l'origine ? Le Vatican vient donc d'agréer la nouvelle traduction (même si Wikipedia n'est pas encore au courant). Heureusement, Dieu n'est pas procédurier et, à l'heure où cette chronique est rédigée, n'envisage pas de porter plainte.

Rien n'est plus dans rien. Prenez le Nobel d'économie, celui-là même qui vient d'être attribué à trois économistes qui, si l'on comprend bien, professent des idées rigoureusement inverses, les uns croyant à l'efficience des marchés, et pas l'autre. Ce n'est pas un vrai Nobel. C'est un Nobel bidon. Il est, en fait, décerné par la Banque Centrale de Suède, et son nom officiel est "prix de la Banque Centrale de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel". La mystification dure depuis 1969, avec la complicité des lauréats (ce que l'on comprend) et de la presse (ce que l'on comprend moins). Objectif de la mystification, tel qu'il est décrit par Alternatives Economiques : faire accroire au monde ébahi que l'économie est une science. Si en effet elle mérite un prix Nobel, comme la médecine et la physique, alors oui, c'est bel et bien une science, avec ses acquis indiscutables.

Le Notre Père n'était pas le Notre Père. L'économie n'est pas une science. Jesus n'a jamais vraiment prôné la réduction des dépenses publiques. "Pardonne-nous nos dépenses, comme nous pardonnons à ceux qui ont dépensé" : les paroles étaient mal traduites. Les économistes, les experts, que l'on entend professer ce cathéchisme, ne sont donc que des idéologues déguisés. Le premier point commun de ces deux déchirantes révisions, c'est le temps nécessaire pour que la vérité éclate : dans les deux cas, de l'ordre du demi-siècle. Encore, dans le second cas, le processus n'est pas arrivé à son terme. On attend encore l'abjuration de BFM Business.

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