Bref, j'ai révisé Nina Simone

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 82 commentaires

Au moins, je suis ce matin incollable sur la carrière de Nina Simone.  Vous me direz que j'aurais mieux fait de réviser avant l'émission ? Vous aurez raison. Cela m'aurait évité de laisser dire une grosse bêtise, sur le plateau de l'émission de vendredi, sur la chanteuse américaine. Si vous n'avez pas (encore) regardé l'émission, voici l'histoire.

Pour compléter le plateau de notre émission sur l'effet de souffle planétaire du meurtre de George Floyd, avec les deux chercheurs Maboula Soumahoro et Romain Huriet, j'ai l'idée d'inviter la journaliste Arwa Barkallah. Pas seulement parce qu'elle est une journaliste d'origine tunisienne, qui dit avoir eu des difficultés à travailler dans les medias français, pas seulement parce qu'elle a été plusieurs années correspondante de la BBC en Afrique de l'Ouest, mais aussi parce qu'elle tient un compte Twitter pertinent et percutant, où je trouve souvent des points de vue originaux.

Dans ce compte Twitter de ma consoeur, je remarque la veille de l'émission un tweet (aujourd'hui supprimé) dans lequel elle accuse le présentateur de France 2 Laurent Delahousse d'être "à côté de la plaque" en consacrant, à propos des mouvements antiracistes actuels, une émission à Nina Simone. Tiens, me dis-je, pourquoi donc est-ce à côté de la plaque ? Et je me promets de poser la question à l'invitée sur le plateau. M'attirant, donc, la réponse suivante :

"Nina Simone est arrivée dans le combat pour les Noirs à la fin de sa carrière, elle a toujours voulu être dans les clous, toujours plaire aux personnes blanches. A quel moment Nina Simone était une figure particulière du Black lives matter ?"

Et puis on passe à autre chose. J'ai donc laissé proférer une grosse bêtise. Car d'abord bien entendu Nina Simone, disparue en 2003, ne pouvait soutenir BLM, mouvement né quelque dix ans plus tard. Mais surtout, comme le signale dans notre forum Frédéric Adrian, biographe de Ray Charles,  Stevie wonder et Otis Redding (de l'avantage d'avoir des abonnés experts) Nina Simone est notamment, dès 1964 (elle a alors 31 ans) l'interprète, entre autres chansons engagées, d'une chanson "Mississipi Goddam". La voici.

Paroles immédiatement traduites, pour les non anglophones du forum, par un autre abonné (de l'avantage d'avoir des abonnés serviables) :

Alabama's gotten me so upset
L'Alabama m'a rendu folle de rage
Tennessee made me lose my rest
Le Tennessee m'a fait perdre le sommeil
And everybody knows about Mississippi Goddam
Et tout le monde sait ce qu'il en est pour le Mississippi, bon dieu. Etc etc.

Pour aggraver notre cas, nous extrayons le passage en question de l'émission pour le poster, parmi nos "best ofs", sur les réseaux sociaux, nous attirant mécaniquement, de manière moins amicale, dans l'après-midi de dimanche, la vindicte du co-fondateur du Printemps républicain Gilles Clavreul, qui lâche contre nous sa meute habituelle d'insulteurs et de calomniateurs. OK. De bonne guerre. Rude pour l'orgueil, mais je n'avais qu'à réviser avant.

Accessoirement, pour ceux qu'intéresse l'Histoire du combat pour les droits civiques, davantage que la polémique dominicale, la chanson "Mississipi Goddam" a notamment été composée à la suite de l'assassinat en 1963 de Medgar Edvers, combattant des droits civiques, par un suprémaciste blanc, Byron De La Beckwith. Après avoir été deux fois acquitté par des jurys exclusivement blancs, Beckwith est condamné à la détention à vie en .. 1994. Si vous en avez le temps, lisez toute l'histoire, elle en vaut la peine.

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