Blues du progressisme un lundi matin

Daniel Schneidermann - - Alternatives - Le matinaute - 42 commentaires

"Il faut faire son deuil de l'espoir", proclame le chercheur François Gemenne, sur le plateau de C Politique, sur France 5. Bienvenue dans une nouvelle semaine. Et vive les lundis ! Gemenne (voir ici notre émission avec lui) évoque la COP 26, qui s'est achevée sur un bilan "en demi-teinte" constate la presse. Pour autant, il ne propose pas de baisser les bras. S'il faut faire son deuil d'un hypothétique retour du climat à l'âge pré-industriel, en revanche "ce que nous sommes en train de faire, c'est de limiter autant que possible les dommages. Mais ça vaut la peine. Chaque dixième de degré, ça représente des souffrances supplémentaires."

"Faire son deuil de l'espoir" : la formule fait voler en éclats des heures et des heures de faux suspense sur la COP 26. "Ce qui bloque, analyse Gemenne, c'est le processus lui-même, ces décisions qui se prennent au consensus. Si vous devez tous être d'accord, ça veut dire que c'est les pays les moins ambitieux qui ont la main".

Pourquoi entend-on si peu ce constat radical de bon sens ? Peut-être du fait de l'alliance objective entre l'essence du journalisme et celle de l'art politique : offrir une perspective, un espoir, même sujet à suspense haletant, susciter du rêve ou de la terreur, mais des émotions fortes.  Colmater, rafistoler, poser des rustines, de pauvres rustines indispensables à continuer le parcours : va mobiliser avec ça des électeurs, des spectateurs, ou des abonnés ! Le propos pourrait s'élargir au journalisme en général. Contre le dérèglement climatique, contre la montée sur tous les continents des nationalismes belliqueux, que peut le journalisme ? Je ne parle pas des médias ou des politiques qui se vautrent dans le désespoir, mais de ceux qui croient encore au progrès. J'ai beau chercher, je peine à trouver dans les dernières années des victoires de l'information et de la transparence. Des victoires incontestables. 

À vrai dire, j'en vois une, et une seule. Elle s'appelle #MeToo. Sur le même plateau de C Politique (qui est en train de s'affirmer comme l'antidote, et quasiment le seul, au  délabrement général de l'info télé) voici Jérôme Lefilliâtre, journaliste à Libération, un des auteurs du dossier qui a recueilli les témoignages, la semaine dernière, de huit victimes du violeur en série Poivre d'Arvor. Tous les ex-dirigeants de TF1, raconte-t-il, ont réclamé l'anonymat pour lui parler. "Contrairement à ces femmes, tous ces anciens dirigeants ont tout de suite dit, je viens parler, mais anonymement". "La peur change de camp ?" lui demande Thomas Snegaroff.  "On peut l'interpréter comme ça". Interprétons. C'est toujours ça de pris. Bon lundi !


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