Bande organisée, et poésie judiciaire

Daniel Schneidermann - - Le matinaute - 27 commentaires

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Faute de mieux, les premiers mouvements de défense de la "bande organisée" -la bande à Tapie, bien sûr- sont tout de même distrayants.

Qui a monté le coup, qui a permis à Nanard de rafler le magot de 40 bâtons ? Le vocabulaire juridique a cet avantage qu'il déchaîne parfois les imaginations. Et colore la vision que l'on peut avoir des feuilletons politico-judiciaires. C'était donc celà, l'affaire Tapie (voir résumé ici) ? Une escroquerie en "bande organisée" ? Une bande dont les hommes d'honneur s'appellent Estoup, Mazeaud, Bredin, Borloo, Richard, Guéant, Lagarde, Sarkozy, sans compter les demi-sels. Démasquée, la bande va-t-elle commencer à se charger mutuellement ? Devant la Cour des comptes, Stéphane Richard s'était défaussé sur son ministre d'alors, Borloo. Lequel proteste vigoureusement : il n'y était pour rien. D'ailleurs il n'est resté qu'un mois à Bercy. Un tout petit mois. Et s'il a bien été l'avocat de Tapie, c'était il y a 25 ans. Dans un mouvement d'égarement, sans doute. Dans la journée d'hier, Richard change de version : ce n'est finalement pas le caïd Borloo, c'est un demi-sel du nom de Rocchi, qui aurait eu l'idée du casse du siècle. Attendons la suite. Les bandes organisées sont finalement moins dangereuses, sans doute, que les bandes inorganisées.

A propos du pouvoir évocateur des termes judiciaires, revenons un instant sur l' "abus de faiblesse", incrimination retenue par la justice bordelaise contre Sarkozy, dans l'affaire Bettencourt. Cette bande-là (la bande à Sarko) a riposté, en chargeant le juge. Un des experts médicaux ayant établi le diagnostic de "faiblesse" de Liliane Bettencourt était, découvre-t-on le matin, le témoin de mariage du juge Gentil. Ou plutôt (apprendra-t-on dans la journée) de sa femme. Rien d'illégal, apparemment. D'autant que le juge n'était pas seul. L'affaire Bettencourt est instruite à Bordeaux par trois juges, et l'une des deux collègues de Gentil a pris sa défense.

Le trio de juges aurait-il dû désigner l'experte-témoin de la mariée ? N'étant pas professeur de déontologie, le matinaute  laissera chacun se faire son opinion. Plus mystérieux est le point de savoir pourquoi le lecteur et télespectateur moyen aura retenu le nom du juge Gentil, plutôt que celui de ses deux collègues, Valérie Noël et Cécile Ramonatxo (pourtant régulièrement citées par les articles relatifs à l'affaire) ? Véritable répartition des rôles au sein du trio (Gentil a semble-t-il mené seul l'interrogatoire de Sarkozy) ? Sexisme inconscient ? Alors, jusqu'où va-t-il se nicher ! Même l'interview d'hier de Valérie Noël est titrée "la collègue du juge Gentil témoigne". Jusque dans sa plaidoierie, elle n'aura pas eu le droit de faire les gros titres.

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